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vulgaires ce qu’il croit être les désignations antiques. Les deux autres, c’est-à-dire un plan en perspective publié en 1493 à Nüremberg, et un grand et beau panorama peint sur toile, qui est conservé aujourd’hui au musée de Mantoue, reproduisent évidemment un modèle commun datant de la seconde moitié du XVe siècle ; ils y ajoutent des retouches qui descendent jusqu’en 1538. Ces deux dernières cartes offrent une vue pittoresque de la ville entière, avec les maisons et les rues. Il en résulte que certains monumens, au milieu du dédale qu’offre la grande cité, sont dissimulés par la perspective ; mais en revanche on voit cette forêt de tours carrées qu’avait multipliées le moyen âge et qui rappellent tant de guerres civiles ; on suit quelques principales rues, comme la via Papale, que parcouraient les pontifes lors de leur solennelle prise de possession ; chaque monument apparaît dans son cadre réel ; la physionomie de Rome au XVe siècle se montre ainsi tout entière. On n’aurait, pour restituer un vivant tableau de la ville au temps de la première renaissance, qu’à comparer en détail ces divers plans avec une des descriptions écrites vers la même époque, par exemple avec celle de Poggio, qui date de 1431. Nous voudrions seulement noter par quelques traits quelle place ces représentations occupent dans l’histoire monumentale de Rome.

Dès le premier aspect elles se distinguent, disions-nous, des précédentes, et montrent une époque de renaissance et de progrès. Le plan de 1474 offre un très grand nombre de monumens avec des légendes développées : on sent l’étude et la recherche scientifiques. Quant au plan conservé à Mantoue, un seul coup d’œil suffit à convaincre qu’il a été tracé sous l’influence d’un profond sentiment de la double grandeur romaine : l’auteur l’a orné d’images et de devises latines qui l’expriment clairement. Il a bien introduit parmi ces devises quelques réflexions sur les vicissitudes des choses humaines : « Où sont, ô Rome, tes consuls, tes sénateurs ?.. où sont les Fabius et les Camille ? Il est donc vrai que rien de terrestre ne résiste à l’action du temps !., » Et l’on voit dessiné le Temps avec sa faux. La pensée dominante n’en est pas moins rendue par des signes non équivoques. Deux étendards, figurés au bas de la carte, flottent au vent. Sur l’un se lisent les lettres traditionnelles : S. P. Q. R. ; l’autre porte l’image d’un aigle aux ailes déployées. Deux médaillons représentent en outre les origines mythiques de Rome païenne : d’une part, la louve et les deux jumeaux, et le figuier ruminai ; d’autre part, Énée avec Ascagne fuyant de Troie et portant son père Anchise. Sur un troisième médaillon Rome chrétienne est adorée par les peuples de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique ; on lit à l’exergue : Domina gentium, princeps provinciarum.