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deuxième question qui relève du ministre de la guerre. » Eh bien ! non ce n’est là qu’une défaite inutile, il y a une autre raison. La république d’aujourd’hui n’a point d’anniversaire à célébrer le 21 septembre, elle ne se rattache point à des événemens qui sont relégués dans l’histoire ; elle n’a rien de commun, ni avec la république de 1792, née sous l’ombre sinistre des journées de septembre, ni avec l’explosion sanglante du 10 août. Elle est née de circonstances toutes nouvelles, dans des conditions propres à notre temps. Pourquoi donc M. le préfet du Rhône se croit-il obligé de déclarer qu’il n’a « jamais protesté contre la date choisie ? » Pourquoi M. le ministre de l’intérieur lui-même se croit-il tenu de « remercier le conseil de Lyon de l’esprit qui l’a guidé ? » L’esprit qui l’a guidé, c’est de réhabiliter des souvenirs qui ont toujours compromis la république en France, qui la rendraient éternellement suspecte aux âmes libérales. Est-ce en faisant les honneurs d’un compliment au conseil municipal de Lyon sur le choix de ses anniversaires républicains qu’on croit dissiper les doutes sur la vraie politique, sur le caractère de la république nouvelle ?

Le conseil municipal de Paris, lui aussi, est républicain à la manière du conseil municipal de Lyon. Comme celui-ci, et guidé par le même esprit, il aurait sûrement ses anniversaires à célébrer, ses fêtes civiques à proposer ; il chômerait dans les grands jours, le 21 septembre comme le 10 août. Ces derniers mois, faute de mieux, il a mis son zèle républicain à cette révolution des noms de rues qui a fini par prêter à rire, qui a été quelque peu déconcertée par l’ironie universelle, et M. le préfet de la Seine a cru devoir tout récemment raconter, consacrer cette entreprise héroï-comique dans un morceau de littérature administrative dont le dernier mot pourrait bien être : « Ah ! ne me brouillez pas avec… le conseil municipal ! »

M. le préfet de la Seine a sûrement fait ce qu’il a pu pour tempérer cette manie de changement, pour mettre quelques bornes à cette révision impatiente des étiquettes des rues, pour sauver au moins certains noms déjà condamnés. Il a fait des suppressions, des additions, des concessions, des confusions ! Malheureusement, si le rapport qu’il a cru devoir publier est le témoignage de ses bonnes intentions, c’est aussi une preuve nouvelle de ce qu’a toujours d’excessif ou de ridicule cet envahissement de l’esprit de parti dans les choses les plus modestes de la vie, dans une simple affaire de voirie. Qu’on eût tenu à effacer certains noms d’une signification purement dynastique ou personnelle, ce n’était pas bien nécessaire à la santé de la république, — cela se comprenait encore. Au delà, M. le préfet nous permettra de croire que pour un administrateur il a fait une œuvre peu sérieuse, et que pour un homme de goût, il n’est pas toujours bien inspiré. M. le préfet et son conseil ne sont pas heureux, particulièrement quand ils touchent à des noms littéraires. Ils exagèrent les uns, ils semblent ignorer ou ils omet-