Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 35.djvu/472

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omet- systématiquement les autres. Ils font des rapprochemens qu’ils croient spirituels et qui ne sont que baroques, comme ce rapprochement de Saint-Simon et de Paul-Louis Courier. Ils biffent d’un trait de plume, avec de gros mots, Fontanes, qui fut un lettré supérieur et que M. Jules Ferry aurait dû défendre, ne fût-ce que pour faire honorer en lui le premier grand maître de l’Université. M. le préfet de la Seine a pu, il est vrai, sauver quelques noms, même celui de M. Haussmann et aussi le nom de Cambacérès, et le nom de Bonaparte ! C’est sa grande victoire, — il ne l’a pas gagnée sans plaider avec bien de l’humilité les circonstances atténuantes, et sans payer rançon d’un autre côté en décorant une grande avenue de l’illustration « éminemment démocratique et populaire » de Ledru-Roliin. M. le préfet de la Seine peut-il nous dire en quoi M. Ledru-Rollin s’est illustré, quelle trace il a laissée dans l’histoire sérieuse soit comme politique, soit même comme orateur ? — N’importe, M. Thiers est oublié ; M. Ledru-Rollin est un fétiche du culte ! Il faut bien plaire au conseil municipal et le « remercier de l’esprit qui l’a guidé. » Que dans ce conseil même bien des membres se fussent passés de ce ridicule, c’est vraisemblable. Malheureusement parmi ceux-ci les uns interviendraient inutilement, les autres craindraient de passer pour tièdes. Les modérés suivent les plus extrêmes, M. le préfet de la Seine suit les modérés, et en définitive on va toujours plus loin qu’on ne le voudrait. C’est l’inconvénient de ces confusions que les partis hostiles exploitent, qui entretiennent l’incertitude, qui conduisent l’opinion à se demander quelle est la république qui règne, si c’est la république du conseil municipal de Paris, des énergumènes qui fêtent le retour des amnistiés ou la république libérale, constitutionnelle, dont le gouvernement est le premier gardien, dont il entend, nous n’en doutons pas, sauvegarder la dignité et le caractère.

Ce n’est point précisément la paix qui manque aujourd’hui, pas plus dans les autres contrées de l’Europe qu’en France. Du moins le continent n’est plus ébranlé comme dans les dernières années par les conflits sanglans et le bruit des armes venant de l’Orient.

Le monde cependant, sous ces apparences toutes pacifiques du moment, semble éprouver d’indéfinissables malaises qui, jusque dans cette saison du repos, se manifestent de temps à autre par toute sorte d’incidens énigmatiques et de signes bizarres. Les relations sont confondues, les influences rivales si heurtent dans l’ombre ou dans le demijour de rapports extérieurement réguliers. Il y a tout un mouvement dont le sens se dérobe, dont les suites sont encore plus inconnue ? Les plus grandes puissances sont sorties des dernières crises avec des avantages sans doute, mais aussi avec des défiances plus ou moins avouées, avec des intérêts gravement engagés, avec le sentiment de profonds antagonismes, qui s’étendent jusqu’à l’extrême Orient, et les succès qu’elles poursuivent, qu’elles ont cru atteindre, ne laissent pas d’être