Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 35.djvu/477

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on dirait que tous les rapports publics passent par une certaine épreuve, comme en même temps tout se tient, voici d’un autre côté, entre l’Autriche et l’Italie, un nuage ou une apparence de nuage qu’on s’est plu un instant à grossir : c’est cette brochure, rapport ou compte-rendu, que le colonel autrichien Haymerlé a récemment fait paraître à Vienne et qui vient d’avoir un retentissement de quelques jours. À considérer simplement le fait, le colonel Haymerlé se borne à exposer la situation militaire de l’Italie, l’organisation de son armée, ses ressources défensives et offensives ; il étudie cette situation avec sympathie, sans prévention, et il ne touche à la politique que par un côté, pour montrer le danger des propagandes révolutionnaires qui tendraient à préparer des annexions nouvelles par la revendication de toute sorte de territoires. Trente, Trieste, Nice, la Corse, Malte ! En réalité, cette brochure, cette étude qui a pour titre Italicæ res, n’a rien d’un manifeste inquiétant et menaçant. Elle peut cependant répondre plus ou moins indirectement à une certaine situation. Assurément au delà des Alpes l’opinion nationale n’est guère favorable à ceux qui ne trouveraient rien de mieux que de mettre successivement ou d’un seul coup leur pays en lutte avec l’Autriche, la France, l’Angleterre. Ni les cabinets, ni les partis sérieux ne songent à de nouvelles querelles avec l’Autriche. Il n’est pas moins vrai que, depuis la guerre d’Orient, l’Italie a semblé éprouver parfois quelque malaise d’ambition mal contenue ; elle a paru tourner les yeux un peu de tous côtés, particulièrement vers certaines parties des provinces ottomanes faisant face à ses rivages. Elle aurait voulu sans doute avoir ses compensations, sa part dans la distribution, et sans pactiser avec le mouvement de l’Italia irredenta, le gouvernement de Rome l’a laissé un moment se produire assez pour s’en servir peut-être, tout en le désavouant. L’Autriche à son tour, sans rendre le gouvernement italien responsable d’agitations assez factices, a les yeux ouverts et tient à ne laisser aucune illusion. Elle est parfaitement résolue à défendre, à maintenir à tout prix ses positions sur l’Adriatique, et c’est là même une des raisons, la raison militaire de l’occupation de l’Herzégovine et de la Bosnie. Elle a voulu relier stratégiquement ses territoires de façon à être compacte et libre de ses mouvemens en toute circonstance. La brochure ; Italicæ res peut, si l’on veut, répondre jusqu’à un certain point à tout cela. Elle n’a rien de blessant pour le gouvernement italien ; elle n’est un avertissement ou une menace que pour les rêveurs d’annexions, pour la politique de l’Italia irredenta, et si elle a pu prendre un moment une signification particulière, c’est qu’elle a paru, à l’heure qu’il est, au milieu des bruits confus de l’Allemagne, dans un journal presque officiel de Vienne, c’est qu’elle est l’œuvre d’un officier qui était récemment encore attaché à l’ambassade de l’empereur François-Joseph à Rome, c’est qu’enfin le colonel Haymerlé est le frère du baron Haymerlé qui quitte Rome pour aller recueillir, au moins temporaire-