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peintures pompéiennes, ne manquent pas non plus dans les poésies de Properce. Lorsqu’il se décerne à lui-même une sorte de triomphe pour avoir fait connaître aux Romains, dans toute sa beauté, l’élégie alexandrine, il y associe les Amours et veut qu’ils prennent place dans le même char que lui,

Et mecum in curru parvi vectantur Amores.


Il raconte, dans une de ses pièces les plus agréables, imitée par André Chénier, qu’une nuit, après avoir fait quelque débauche, il errait seul, et à pas mal assurés, dans la ville endormie, cherchant une bonne fortune coupable ; tout à coup il tombe au milieu d’une troupe de petits enfans que sa frayeur l’empêche de compter. « Les uns portaient de petites torches, d’autres tenaient des flèches, d’autres enfin semblaient préparer des liens pour m’attacher. Tous étaient nus. Alors l’un d’eux, plus résolu, s’écrie : « Le voilà ! saisissez-le ; vous le connaissez bien. C’est lui qu’une femme irritée nous a chargés de lui rendre. » Il dit, et déjà je sentais un nœud qui serrait mon cou. » Les autres s’approchent, l’enchaînent, le grondent, et le ramènent, repentant et heureux, à la maison de Cynthie. — N’est-ce pas le sujet d’un tableau charmant qu’on pourrait mettre en face de la Vendeuse d’Amours ?

Mais c’est Ovide surtout qui paraît avoir le plus profité des poètes d’Alexandrie ; aussi est-ce lui dont les vers rappellent le plus souvent les peintures pompéiennes, il serait aisé, parmi ces peintures, d’en choisir un certain nombre qui pourraient servir pour ainsi dire d’illustration à ses ouvrages, tant le poète et le peintre se ressemblent par moment. C’est tout à fait de la même manière qu’ils représentent Io délivrée par Mercure, Hercule filant chez Omphale, Pâris qui grave le nom d’OEnone sur l’écorce des arbres, Europe, « qui tient la corne du taureau d’une main, appuie l’autre sur son dos, tandis que le vent agite et gonfle ses vêtemens. » J’ai mentionné plus haut le tableau où l’inconsolable Polyphème reçoit une lettre de Galatée, qui lui est apportée par un Amour monté sur un dauphin. Cette bizarre invention fait songer tout de suite aux Héroïdes d’Ovide. Ce sont des épîtres amoureuses qui supposent non-seulement qu’on savait écrire et qu’on écrivait beaucoup du temps de la guerre de Troie, mais qu’on avait alors le moyen de faire porter ses lettres, même quand on les adressait à des gens dont on ignorait la demeure ou qu’on était relégué dans quelque île déserte. Voilà des habitudes qui ne conviennent guère à des époques si lointaines. Pour comprendre que des femmes écrivent des lettres si longues, où l’on trouve des pensées si brillantes et tant de connaissance du cœur humain, il faut admettre qu’on a