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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 35.djvu/553

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Ce n’est pas qu’elle ait eu à se plaindre plus que les autres de l’accueil qu’elle a reçu des Romains. Depuis le jour où Paul-Ëmile fit venir d’Athènes Métrodore pour peindre les tableaux qui devaient orner son triomphe et le chargea d’élever ses enfans, les grands artistes trouvèrent à Rome la considération et la fortune. On y payait aussi cher les belles peintures que les statues des maîtres ; si l’on était fort empressé à remplir les places où les portiques des images en marbre ou en airain des dieux et des grands hommes, on ne l’était pas moins à décorer de fresques les monumens publics ou privés, et l’exemple de Pompéi nous montre combien ce goût était devenu commun. Ce qui prouve encore mieux que la peinture n’était pas sans honneur à Rome, c’est qu’elle fut un des premiers arts que les Romains aient eux-mêmes pratiqués. Avant l’époque des guerres puniques, un patricien qui appartenait à l’une des plus glorieuses maisons du pays ne dédaigna pas de se faire l’élève des artistes grecs et de décorer un temple de sa main. Son talent lui donna tant de renommée qu’on ne l’appela plus que Fabius le Peintre (Fabius Pictor) et que sa famille en garda le nom. À partir de ce moment, dans la liste des peintres qui se rendirent célèbres, les Romains ne manquent pas, et parmi ceux dont Pline nous a conservé le souvenir, il y en a un qui était si fier de son pays qu’il ne quittait jamais la toge, même quand il avait à monter sur quelque échafaudage : à peu près comme on prétend que Buffon se mettait en habit de cérémonie quand il composait son grand ouvrage. Mais qu’il portât la toge ou le pallium, l’artiste restait grec. En s’établissant en Italie, la peinture grecque ne changea pas de méthode ; elle ne modifia en rien ses habitudes, elle ne chercha ses inspirations que dans les souvenirs de son ancienne patrie. Letronne a raison de dire « que ce fut une plante qui se développa partout comme sur le sol natal, sans presque éprouver l’influence du changement de terrain et de climat. »

C’est au moins ainsi qu’elle nous apparaît à Pompéi. Il est vrai que M. Helbig, pour diminuer notre surprise de la voir devenir si peu romaine, dans une ville d’Italie, nous fait remarquer qu’elle n’y fut guère employée qu’à décorer des maisons particulières. Étant réservée à de simples bourgeois, et pour leurs appartemens privés, elle ne se crut pas obligée de prendre un air officiel. On lui laissa plus de liberté, et elle en profita pour ne pas sortir de ses anciennes habitudes. C’est ce qui montre précisément qu’elle y