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que le vainqueur du duc de Brunswick et du prince Charles n’était pas un homme d’extraction nouvelle, mais appartenait à une famille d’ancienne noblesse bourguignonne, qui remonte par actes authentiques au commencement du XIVe siècle et qu’on trouve sous l’étendard des ducs de la maison de Valois mêlée aux guerres de cette lugubre époque. Son père, Jean-François d’Avout, qualifié chevalier et seigneur d’Annoux, était au moment de la naissance de son fils, ainsi qu’en témoigne l’acte de baptême du maréchal, lieutenant au régiment de Royal-Champagne cavalerie; sa mère, Adélaïde Minard de Velars, descendait d’Antoine Minard, président à mortier au parlement de Paris sous Henri II, ardent magistrat dont le zèle catholique dans le procès d’Anne Dubourg lui valut d’être assassiné par une arquebuse protestante en 1559. Louis Davout n’était donc pas le premier de sa race; l’éditeur des présens mémoires a tenu justement à l’établir, non dans la mesquine pensée de retirer un nom glorieux aux classes dont le maréchal épousa et servit la cause, mais au contraire avec l’intention de rehausser la justice de cette cause. « Il faut tenir à ses ancêtres, dit Mme de Blocqueville, avec une fierté pleine de finesse, ne fût-ce que pour avoir le droit de se faire le champion de la liberté sans paraître prendre un tel rôle par un misérable sentiment d’envie. » S’il est quelqu’un, en effet, qui puisse être cru sur parole lorsqu’il affirme que la seule aristocratie est celle de l’âme, c’est bien celui qui peut se vanter d’une antique origine, car celui-là ne peut être suspect de partialité.

On aime à tout savoir sur les ascendans des hommes célèbres. Nous n’avons malheureusement aucun détail sur le père de Louis Davout, qui mourut lorsque son fils était encore enfant; mais il n’en est pas ainsi pour sa mère dont les présens mémoires nous offrent une correspondance assez étendue. Cette correspondance, toute familière, nous la montre à découvert ; ce fut une personne d’une âme en bon équilibre, d’un caractère égal et modeste, sans ambition ni vanité mondaine, avec une préférence marquée pour la vie tranquille et à demi obscure. Au moment le plus resplendissant de la carrière militaire de son fils, dont elle suit les succès avec bonheur, mais sans éblouissement d’aucune sorte, nous la trouvons tout occupée dans sa retraite de Ravières à filer du lin que lui a envoyé la mère de la maréchale, Mme Leclerc, une autre personne pleine de bonhomie bourgeoise et de patiente humeur devant les vicissitudes de la fortune. « On dirait de la soie ; aussi j’ai bien du plaisir à tourner ma roue. Je viens d’en acheter à 1 franc 12 la livre, mais aussi quelle différence ! c’est le jour et la nuit. » Un trait remarquable de son caractère, c’est l’aisance avec laquelle elle sait garder son rang de mère sans prétendre pour elle-même à celui que la fortune a fait à son fils, sans se hausser pour