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de l’état ou voulez-vous doter l’église catholique? les protestans d’Irlande vous répondraient, j’en suis sûr : Séparez l’église de l’état et ne dotez pas l’église catholique... Je nie que l’église d’Angleterre soit la création de l’état. L’alliance entre eux a été formée et maintenue sur le pied de l’égalité, et si l’on tentait, comme on paraît en avoir l’intention, de mettre toutes les affaires ecclésiastiques sous la direction de Downing-Street et de les assujettir à la même espèce de discipline qu’on impose en Prusse à l’église nationale, j’avertis le très honorable gentleman que le peuple de ce pays ne tolérera jamais un pareil système. » Le bill, combattu par un grand nombre de partisans du ministère, triompha par l’appui que les whigs et les radicaux donnèrent au gouvernement. C’était le prélude de l’alliance inattendue qui allait mettre fin à la législation sur les céréales.

L’Irlande était en proie à la famine : la détresse n’était guère moins grande dans les districts manufacturiers d’Angleterre. La ligue contre la législation des céréales faisait tous les jours de nouveaux progrès, et ses orateurs attaquaient avec une violence extrême l’aristocratie terrienne, qu’ils accusaient d’être sans entrailles et de sacrifier le peuple à son avidité égoïste; les paroles les plus menaçantes se faisaient entendre et étaient applaudies dans les réunions publiques qui se tenaient journellement d’un bout à l’autre du pays : l’heure de la crise était arrivée. La conviction de sir Robert Peel était faite, comme le prouve une lettre qu’il écrivait, le 13 octobre, à sir James Graham ; mais il s’agissait de faire partager cette conviction aux autres membres du gouvernement. La question fut agitée dans quatre conseils de cabinet consécutifs, du 1er au 6 novembre, et sir Robert Peel ne rallia à son opinion que lord Aberdeen, sir James Graham et M. Sydney Herbert. Lord Stanley soutint que si l’abrogation des lois sur les céréales était nécessaire, il fallait laisser aux whigs la tâche de présenter cette mesure, et il déclara que, pour sa part, il ne ferait point partie d’un cabinet qui prendrait cette initiative. Le 22 novembre, lord John Russell, informé sans doute des intentions de sir Robert Peel et des divisions du ministère, et voulant sauvegarder la popularité de son parti, lança d’Edimbourg, sans prendre le temps de consulter ses amis, une lettre aux électeurs de la cité de Londres dans laquelle il se prononçait pour la suppression immédiate et définitive de tout droit d’entrée sur les céréales. La publication de la lettre de lord John Russell démontra à sir Robert Peel la nécessité d’agir immédiatement : il mit ses collègues en demeure de se prononcer et, ne pouvant vaincre la résistance de lord Stanley, il déposa le 6 décembre, entre les mains de la reine, la démission du cabinet. Mandé aussitôt d’Edimbourg, lord John Russell ne put triompher de l’antipathie de lord Grey pour lord