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en conclure le rapport de leurs densités. Un calcul analogue pourra être fait lorsqu’on aura compté les oscillations d’un pendule au sommet et au pied de la montagne. En transportant le pendule au sommet, on s’éloigne du centre de la terre et l’on doit perdre quelques oscillations par jour; mais l’attraction de la montagne compense en partie la diminution de pesanteur qui dépend de l’altitude, et l’on a ainsi le moyen de comparer sa masse à celle de la terre.

Bouguer, dans son voyage au Pérou, n’avait point négligé d’appliquer ces méthodes. Aidé de La Condamine, il avait observé la déviation du fil à plomb sous l’action du Chimborazo, et il avait étudié la marche de son pendule sur la montagne volcanique de Pichincha (dont l’altitude est égale à celle du Mont-Blanc) et au niveau de la mer. Malheureusement l’imperfection des instrumens, la rigueur du climat, la violence des vents, ne permirent pas aux deux astronomes français d’apporter à ces observations une grande précision ; les effets qu’ils s’étaient proposé de constater se trouvèrent beaucoup plus faibles qu’on ne s’y était attendu, et Bouguer crut devoir en conclure que les montagnes volcaniques du Pérou étaient creuses et ne représentaient que d’immenses ampoules vides à l’intérieur. En répétant ses expériences avec toutes les précautions que demandent des recherches d’une nature aussi délicate, on pourrait décider si l’insuffisance de ses résultats tient à des erreurs d’observation, ou s’il s’est trouvé réellement en présence d’un phénomène analogue à celui qu’a présenté la chaîne de l’Himalaya[1].

La méthode de Bouguer a été utilisée avec un plein succès, en 1774, par le célèbre astronome anglais Maskelyne. Ce dernier avait choisi, pour ses expériences, le mont Shéhallien en Écosse; c’est une montagne complètement isolée, dont la constitution géologique est connue et la forme peu compliquée, ce qui simplifie les calculs. Maskelyne détermina d’abord, par l’observation des étoiles qui passaient près de son zénith, les latitudes de deux stations, prises l’une au sud et l’autre au nord de la montagne, et dont la distance horizontale, mesurée par une triangulation, était de 1,330 mètres. La différence des deux latitudes astronomiques fut trouvée égale à 43 secondes, au lieu de 54",6, que donnait la distance mesurée; l’excès de 11", 6 représentait la somme des déviations exercées par le Shéhallien sur ses deux faces opposées. Il restait à relever le relief exact de la montagne, à en évaluer le volume, la densité, le

  1. M. Saigey a montré qu’en choisissant parmi les observations de Bouguer celles qui paraissent avoir été faites dans de bonnes conditions et en évaluant les attractions d’une manière plus exacte, on trouve pour la densité de la terre un nombre qui s’accorde avec celui de Maskelyne.