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Un curieux épisode, emprunté à une autre région de l’Italie, à la maremme toscane, aidera peut-être à comprendre par analogie ce qui s’est ainsi passé dans la campagne romaine. Au milieu de l’antique plaine de Vulci, que le torrent de la Fiora divise en deux parts, — l’ancienne ville étrusque sur la rive droite, et sa nécropole sur la gauche, — s’élève, seule construction debout dans ce vaste désert, un château-fort délabré et inhabité, servant de tête de pont au débris d’un ancien aqueduc, unique et étroit passage par-dessus le lit profond de la Fiora. L’eau qui coulait par ces conduits était chargée de calcaire. Peu à peu, l’aqueduc étant négligé, des fissures se sont produites, l’eau s’est échappée en laissant après elle des concrétions toujours plus considérables, qui ont déplacé les pierres, fait tomber le ciment, continué leur marche, atteint et déformé les berges. Ce ne sont plus seulement des stalactites pittoresques découpant sur le ciel par-dessous la grande arche leurs pointes inégales ; c’est, vers la rive droite, toute une voûte comme de glace qui, pendant des siècles, a conduit vers le sol, lentement et goutte à goutte, des eaux que les ruines ensevelies ont empêchées de s’absorber dans les terres. N’a-t-on pas ici l’image visible, l’action prise sur le fait du genre de désastre que la campagne romaine a subi du fait des aqueducs négligés et ne fonctionnant plus ? Tout le monde sait que les eaux stagnantes dans le sous-sol, soit à cause des nombreuses constructions qu’il recouvre, soit par suite de certaines formations volcaniques, sont le principal fléau des régions malsaines en Italie. Les anciens ne l’ignoraient pas, et l’on retrouve autour de Rome de vastes souterrains qu’ils destinaient uniquement au drainage : les travaux récens de M. de Tucci et de M. le professeur Tommasi-Crudeli l’ont amplement démontré[1].

Les attaques de Vitigès contribuèrent d’une autre manière encore à dépouiller Rome. Menacés par les assiégeans barbares dans le tombeau d’Adrien, devenu depuis longtemps une forteresse, les soldats de Bélisaire, suivant le récit de Procope, brisèrent en morceaux, pour les précipiter sur l’ennemi, les nombreuses statues qui ornaient l’antique mausolée. Dans ses fossés se retrouvèrent en effet, aux temps d’Alexandre VI et d’Urbain VIII, le buste colossal d’Adrien et l’admirable Faune dormant à la glyptothèque de Munich. — Rome était bien dépouillée déjà quand elle fut de nouveau prise et saccagée par le Goth Totila, en 545. Les Lombards, avec Astolf, continuèrent

  1. P. di Tucci, Dell’ antico e presente stato della campagna di Roma, in rapporto alla salubrità dell’ aria e alla fertilità del suolo, Roma, 1878, in-12. — Tommasi Crudeli, Della distribuzione delle acque nel sottosuolo dell’ Agro romano, e della sua influenza nella produzione della malaria (tirage à part de l’Académie des Lincei) in-4o, 1879.