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pendant le VIIIe siècle à désoler ses environs. Les basiliques chrétiennes, construites sur les catacombes, avaient jusque-là retenu dans la campagne quelque population, tout au moins de pieux visiteurs; mais les dévastations des Lombards achevèrent de déterminer les papes à reporter en ville les corps des martyrs. Une inscription de l’église de Sainte-Praxède, à Rome, témoigne que Léon III, en 817, transféra ainsi vingt-trois mille corps; les catacombes commencèrent d’être abandonnées, puis oubliées, jusqu’au temps de Bosio, jusqu’au père Marchi et à M. de Rossi; la nuit se fit toujours plus épaisse sur la campagne romaine, privant Rome elle-même toujours davantage d’approvisionnemens, de sécurité, de communications.

La création d’une autre capitale en Orient avait été, au point de vue de l’histoire monumentale de Rome, une première et sensible atteinte; les invasions barbares avaient entraîné des dévastations cruelles et de longs désordres; quelle influence le triomphe du christianisme et l’établissement de la papauté devaient-ils exercer dans Rome à cet égard?

Il ne se pouvait pas que le christianisme ne regardât tout d’abord avec quelque défiance les monumens de Rome païenne. Ces temples et ces statues représentaient pour lui un culte devenu bientôt hostile. Ces cirques et ces amphithéâtres, il les avait arrosés de son sang lors des persécutions; ces théâtres et ces jeux, il les maudissait comme immoraux et impies ; ces riches tombeaux, soumis à des rites qui n’étaient pas les siens, il s’en détournait pour se réfugier dans ses catacombes. On doit remarquer toutefois que, dans l’histoire des mutuels rapports entre les deux sociétés païenne et chrétienne, avant et après la paix de l’église, les rigueurs se produisirent en général par accès exceptionnels et peu durables. De même que, pendant très longtemps, l’indépendance civile des chrétiens, invoquant le droit commun, a été respectée, de même les empereurs, après avoir abjuré le paganisme, se sont abstenus, surtout dans Rome, de mesures violentes contre les monumens et les statues de l’antiquité. M. de Rossi a démontré cette thèse abondamment ; il a fait voir que ceux des historiens modernes qui se sont crus autorisés à soutenir avec insistance, avec excès, la thèse contraire, ont été abusés en particulier par les fausses inscriptions ligoriennes.

Les principaux sanctuaires furent fermés, il est vrai, à partir des fils de Constantin et de Théodose; les sacrifices furent abolis; les terres qui appartenaient aux prêtres païens furent confisquées avec leurs revenus ; mais les statues des divinités ou des héros, distribuées par les préfets de la ville dans les lieux publics, continuèrent,