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pratiquer un forage au fond de quelque mine, afin de pénétrer encore plus avant dans les entrailles de la terre?

Il serait à désirer aussi que les cavités naturelles qui existent dans certaines parties du globe fussent utilisées pour des explorations scientifiques. Les renseignemens que l’on trouve à cet égard dans les vieux livres sont malheureusement entachés d’exagération, et l’absence de témoignages récens nous empêche d’y démêler la part de vérité qu’ils renferment peut-être. Pontoppidan, dans son Histoire naturelle de la Norvège, parle d’un trou qui existe dans le voisinage de Frederikshall, et dans lequel la chute d’une pierre parait durer deux minutes. « Si l’on pouvait supposer, dit Arago, que cette chute s’opère tout d’un trait, que la pierre ne ricoche pas, qu’elle ne s’arrête jamais tantôt sur une saillie des parois du trou et tantôt sur une autre, les deux minutes en question donneraient, pour la profondeur totale du trou de Frederikshall, au delà de 4,000 mètres, c’est-à-dire 800 mètres de plus que la hauteur de la plus haute cime des Pyrénées. » Mais il paraît bien qu’il s’agit ici du bruit continu d’une pierre qui roule et ricoche, et d’ailleurs les voyageurs modernes ne parlent plus du fameux trou de Frederikshall. Je n’ai pu éclaircir davantage ce qu’il peut y avoir de vrai dans les récits concernant la légendaire caverne de Dolsteen, dans l’île Herroe (Norvège), qui, suivant une croyance répandue parmi les habitans, s’étendrait jusqu’au-dessous de l’Ecosse. En 1750, dit-on, deux ecclésiastiques s’y étaient aventurés assez loin et avaient entendu au-dessus d’eux gronder la mer; arrivés au bord d’un précipice, ils y avaient jeté une grosse pierre dont le bruit était encore perçu au bout d’une minute.

Sans attacher aucune importance à ces renseignemens puisés à des sources peu sûres, on peut cependant admettre qu’il doit exister des cavités naturelles qui pourraient être utilisées pour l’exploration des couches profondes de l’écorce terrestre. M. Babinet, qui caressait le rêve d’une société par actions pour le creusement d’un trou très profond, pensait qu’on ne devait pas négliger le côté industriel de l’affaire. « Nous ne sommes plus, dit-il quelque part, au temps où Voltaire raillait si amèrement Maupertuis, qu’il accusait d’avoir voulu percer la terre de part en part, en sorte que nous aurions vu nos antipodes en nous penchant sur le bord du puits de cet antagoniste de l’irascible roi de la littérature. Personne ne niera aujourd’hui qu’il ne soit possible de faire descendre des galeries démines à des profondeurs de plusieurs kilomètres, quand on a à sa disposition le choix du terrain, des dimensions convenables et le temps surtout!.. Eh bien, arrivons à 4 kilomètres seulement sous terre et déblayons-y un local suffisant. Si les hommes n’en peuvent supporter