Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 35.djvu/965

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désor- une partie de son programme, comme ses projets économiques de toute sorte sont une autre partie de ce programme. Le chancelier poursuit ses desseins avec ténacité, avec le sentiment de sa force, sans se laisser entraîner d’habitude au-delà des limites qu’il s’est fixées, et la chambre nouvelle lui offre précisément tous les moyens parlementaires de rester dans la mesure de sa politique. Avec l’appui invariable des conservateurs, il peut manœuvrer entre les catholiques du centre et le groupe des nationaux-libéraux, de façon à demeurer maître de ses actions et à ne subir aucune prétention exorbitante. Pour lui, il ne connaît ni catholiques, ni libéraux, il ne connaît que des auxiliaires, il se sert de tout le monde ; il est l’homme de l’empire, et si après avoir été libéral il y a quelques années, il est conservateur aujourd’hui, c’est qu’il y voit dans les circonstances présentes l’intérêt extérieur et intérieur de l’empire, qu’il est chargé de gouverner après l’avoir créé.

Ce n’est point sans doute sous la même forme et dans la même mesure que le mouvement conservateur se produit en Autriche, dans cette partie de l’Autriche qui s’appelle la Cisleithanie ; il n’est pas moins réel, il s’est manifesté il y a quelque temps par l’avènement au pouvoir du ministère que préside le comte Taaffe, il se manifeste encore en ce moment par l’existence même de ce parlement qui vient de se réunir à Vienne, où, pour la première fois, font leur apparition les représentans de la Bohême, systématiquement absens jusqu’ici. L’empereur François-Joseph a ouvert il y a peu de jours le Reichsrath par un discours où il fait appel à la conciliation des partis, des nationalités diverses sur le terrain constitutionnel. La conciliation, l’union des partis, c’est un beau mot, à qui il ne manque souvent que de devenir une réalité, à Vienne comme partout. Ce qu’il y a de certain, c’est que, pendant bien des années l’Autriche, la Cisleithanie, a été gouvernée par les libéraux, les centralistes, les Allemands, et que, depuis quelques mois, elle est dans des conditions toutes différentes. Le cabinet du comte Taaffe n’est point sans doute arrivé au pouvoir avec des intentions fédéralistes, avec des idées de réaction contre l’ordre constitutionnel ; mais il représente la paix des nationalités, il personnifie une politique qui a été sanctionnée dans les dernières élections. Les Tchèques, qui s’étaient abstenus jusqu’ici, qui vivaient pour ainsi dire enfermés dans leurs revendications historiques et nationales, sont maintenant au Reichsrath, où leur présence est comme une consécration de la politique nouvelle. S’ils font encore des réserves, s’ils ont cru devoir, dès la première séance du Reichsrath, déposer une protestation, ils n’ont pas moins accepté par le fait le rendez-vous que l’empereur leur a donné sur le terrain constitutionnel, et en entrant au parlement, ils y portent leurs opinions, leur importance morale et numérique ; ils deviennent un des principaux élémens des combinaisons parlementaires. Dans cette situation nouvelle,