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contraire, et il venait encore de faire rejeter, par les lords un nouveau bill présenté par lord John Russell. M. Disraeli, par son insistance, obtint l’assentiment du premier ministre et de ses autres collègues à un compromis suggéré, par lord Lucan et qui consistait à laisser chacune des deux chambres maîtresse de régler la forme du serment à prêter par ses membres. Ce compromis fut transformé en loi, et l’on vit en cette circonstance les ministres voter avec leurs adversaires contre la plupart de leurs partisans.

Le bill qui avait pour objet de mettre fin à l’existence de la Compagnie des Indes et d’instituer un nouveau mode de gouvernement pour l’empire anglo-indien, renversait complètement l’ancien état des choses. La cour des directeurs, élue par les actionnaires de la compagnie, avait eu de tout temps l’initiative : le gouvernement anglais n’avait sur elle qu’un droit de veto ; il pouvait arrêter l’exécution d’une mesure, il n’en pouvait prescrire aucune. Le bill de M. Disraeli faisait rentrer l’Inde sous l’autorité immédiate du parlement, en plaçant à la tête de son administration un ministre responsable ; à côté de ce ministre, soumis à toutes les vicissitudes de la politique, un conseil consultatif, mais indépendant, recruté en partie par l’élection et composé d’anciens fonctionnaires de l’administration indienne, ou de personnes ayant résidé aux Indes un nombre d’années déterminé, représentait la tradition, l’expérience, la connaissance des hommes et des choses. Le gouverneur-général n’était plus que le représentant et l’agent du ministre ; mais, investi de pouvoirs suffisans pour agir avec promptitude et efficacité dans les circonstances urgentes et pour régler tous les détails de l’administration quotidienne, il avait auprès de lui des ministres chargés chacun d’un des grands services et un conseil dont l’accès était ouvert aux dignitaires indigènes. Ce système de contre-poids avait pour objet d’empêcher qu’aucune détermination grave, comme une guerre ou un traité d’alliance, pût être prise en dehors du gouvernement métropolitain et sans l’assentiment du parlement, tout en préservant l’Inde des erreurs et des entraînemens d’une autorité trop éloignée et trop mobile pour bien connaître les faits, et tout en assurant certaines garanties aux intérêts et aux droits des populations indiennes. Ce bill ne fut point accueilli favorablement par la chambre des communes. La mesure était trop large dans son esprit, trop savante dans sa conception, trop compliquée dans ses détails pour ne pas soulever des objections et des doutes au sein d’une chambre qui comptait peu d’hommes familiers avec les affaires de l’Inde. Le gouvernement fut obligé de procéder par voie de résolutions, c’est-à-dire de faire voter un à un les principes qui avaient présidé à la rédaction du bill. Ces principes, successivement votés, furent transformés ensuite en articles