Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 36.djvu/158

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

proposant qu’il fût procédé à une nouvelle délimitation des bourgs, afin d’y comprendre toute la population véritablement urbaine. Beaucoup de villes industrielles avaient dépassé leurs anciennes limites et empiété sur le territoire des comtés. Les francs-tenanciers des nouveaux quartiers votaient au comté, et on avait profité de cette circonstance pour créer des électeurs de comté, en subdivisant de grandes propriétés dans le voisinage des villes : à l’avenir, les francs-tenanciers, compris dans les nouvelles limites, auraient voté au bourg et cessé de voter au comté. Pour couper court à une des formes que revêtait la corruption électorale, il ne devait plus être nécessaire de venir voter en personne : tout électeur empêché pourrait adresser son vote sous pli cacheté au magistrat qui présiderait l’élection.

Dans la distribution des sièges parlementaires, le bill de 1832 n’avait tenu aucun compte des droits acquis ; de nombreux électeurs avaient été dépouillés de la franchise par la suppression pure et simple du bourg au sein duquel ils l’exerçaient. M. Disraeli, au contraire, posait en principe que le droit d’élection, partout où il existait, était la consécration d’une influence d’un ordre quelconque, et ne pouvait être supprimé sans qu’on s’exposât à exclure du parlement un intérêt qui avait droit d’y être représenté. Aucun collège électoral, si petit fût-il, ne devait perdre le député qui lui avait été laissé par le bill de 1832 ; seulement quinze bourgs, parmi les moins importans, ne devaient plus élire qu’un député au lieu de deux, et les quinze sièges ainsi disponibles devaient être attribués à des collèges nouveaux ou insuffisamment représentés.

Tel était, dans ses traits principaux, le nouveau bill de réforme ; il avait, incontestablement, été conçu dans un esprit libéral, bien qu’avec l’arrière-pensée de maintenir l’équilibre établi entre les divers intérêts, et de n’affaiblir aucune des influences conservatrices. La mesure portait l’empreinte de son auteur : elle était trop complexe, trop savante, et des considérations purement philosophiques y avaient eu trop de part. Son plus grand défaut était d’être trop chargée de détails pour qu’il fût possible d’en apprécier à l’avance le résultat. On pouvait se demander si ces clauses multipliées, ces combinaisons ingénieuses pour créer ce qu’on ne manqua pas d’appeler des électeurs de fantaisie n’étaient pas des concessions plus apparentes que réelles. Le bill semblait appeler à l’électorat l’universalité des classes moyennes, puisqu’il reconnaissait comme indices suffisans de la capacité politique toutes les formes de la propriété et toutes les preuves d’une éducation libérale ; il ouvrait en même temps la porte aux classes laborieuses en accordant les droits électoraux à tous les ouvriers dont l’intelligence, les habitudes régulières et l’économie étaient attestées par l’accumulation d’un petit capital ou par