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façon à intéresser à la république tous ceux qui ne veulent : que le bien’ du pays. Pour cette politique qui n’est point contraire à ses principes, il aura l’appui du sénat, l’approbation du président, et l’assentiment du pays. S’il ne veut ou ne peut rien faire de tout cela, il est temps qu’il cède la place à d’autres. Se résigner au mal pour éviter le pire, ce n’est pas gouverner.

Au point où sa faiblesse a laissé en venir les choses, il est douteux que la majorité républicaine de la chambre des députés accepte un tel programme de gouvernement. Va-t-elle nous revenir avec des sentimens plus modérés et des pensées plus sages, sous l’impression des inquiétudes du pays agité par l’évocation de la commune glorifiée, par la propagande révolutionnaire, par les lois qui touchent à la liberté de conscience ? C’est ce que l’on verra bientôt. En ce cas, il ne serait pas encore trop tard pour espérer que le gouvernement de la république rentrera dans la voie de modération, de justice et de paix dont il n’eût pas dû s’écarter. Alors le cabinet actuel pourrait encore, en gardant le pouvoir, rendre au pays le service de faire agréer à cette majorité une politique pratiquée par des ministres qui lui sont sympathiques. Mais si la chambre des députés nous revient avec ses préjugés, ses passions et ses rancunes, mieux vaut que le ministère se retire devant une situation qui ne lui permettrait de conserver le pouvoir que pour servir une politique imposée à sa faiblesse. Il n’y a guère lieu d’espérer que sa succession appartienne au parti républicain, libéral et conservateur, que les prochains débats parlementaires auront pour effet de reconstituer. La rentrée aux affaires d’un ministère Dufaure ou Jules Simon n’est pas possible en ce moment où la majorité qu’inspire et dirige le président de la chambre des députés est maîtresse du terrain. Cette majorité entrera-t-elle enfin au pouvoir son drapeau à la main, et son chef en tête, ou bien se bornera-t-elle à gouverner encore sous le nom d’un ministère plus ou moins renouvelé qui continuera à recevoir son mot d’ordre ? Toute la question du gouvernement parlementaire est là. Si un ministère de résistance est impossible, mieux vaut un cabinet radical pour le présent qu’un cabinet conservateur dont les actes contredisent les intentions. Il n’y a point à s’inquiéter outre mesure d’une politique plus ou moins radicale, pourvu qu’elle joue cartes sur table. Ce qui est le plus à craindre, c’est une politique qui cache son jeu. Car alors en trompant le pays, elle pourrait le mener plus loin qu’il ne veut aller. En France, comme ailleurs, un parti si puissant, si maître qu’il soit des élections, ne garde pas longtemps le pouvoir, s’il gouverne contre les vrais intérêts et les vrais sentimens du pays. Ce sera le rôle d’une opposition franchement républicaine d’avertir le suffrage universel, si le gouvernement