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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 36.djvu/478

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nir tous les empiètemens, pour faire sentir la puissance de l’état à tous ceux qui auraient été tentés de la méconnaître, qui auraient pu se laisser aller à couvrir d’un voile religieux une hostilité politique. Le gouvernement aurait été d’autant plus fort qu’il aurait montré plus de modération, plus de ménagement pour des croyances sincères ; mais non ! M. le ministre de l’instruction publique, croyant sans doute répondre à ce besoin de lutte, aux passions ou aux préjugés de certains républicains et se flattant aussi de rallier une partie du radicalisme à ses projets, M. le ministre de l’instruction publique a imaginé son article 7. Il a si bien réussi qu’il est allé « d’un cœur léger, » lui aussi, avec la plus imprévoyante témérité, au-devant d’une de ces crises qui mettent les sentimens les plus profonds en mouvement, devant lesquelles les pouvoirs prudens reculent sans pouvoir être soupçonnés de faiblesse. Et l’article 7 n’a pas suffi. Sans attendre plus longtemps, un peu partout, sur tous les points de la France et principalement dans les grandes villes, on a engagé cette puérile et violente campagne où les uns, par haine de toute influence religieuse, les autres par esprit d’imitation et pour faire comme tout le monde, s’occupent à poursuivre de malheureux frères, à fermer des écoles. M. le préfet de la Seine, qui a beaucoup à faire pour ne pas se brouiller avec son conseil municipal et pour ne pas se voir disputer les plus simples prérogatives, tient naturellement à marquer dans cette campagne, à donner l’exemple. Il « laïcise » à force, sans trêve et jusqu’à extinction ! Il appelle cela modestement travailler à « l’affranchissement de l’esprit humain. » D’autres à côté de lui disent « désinfecter l’esprit humain. » Il paraît que c’est le langage du jour ; et qu’en mettant une école laïque à la place d’une école de frères, on a tout simplement émancipé l’humanité en général et sauvé la république en particulier.

M. le préfet de la Seine a d’ailleurs des argumens pour tout et au besoin il met de l’ironie ou de la fantaisie dans ses harangues. De quoi se plaint-on ? Pour que les écoles transformées soient justifiées, il suffit « que la nouvelle école communale laïque ait un nombre d’élèves égal ou supérieur à la moitié du nombre d’élèves de l’école congréganiste. … Dès que la majorité se trouve acquise à l’école laïque, le vœu de la population a été suivi. » Ainsi on introduit la politique dans l’enseignement primaire. C’est l’affaire d’une majorité plus ou moins constatée ; que les enfans aillent d’un côté ou d’un autre côté, voilà qui est dit : la moitié plus un, le « laïcisme » triomphe ! Il faudrait cependant prendre garde que ces simples écoles qu’on ferme si lestement ont rendu depuis longtemps de sérieux services, qu’elles ont contribué à répandre, non pas la science du conseil municipal, mais une modeste et utile instruction, qu’elles sont entrées dans les mœurs, et que de plus ces humbles religieux ont montré pendant la guerre un obscur héroïsme digne de