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ils ont salué l’avènement, auquel ils voudraient assurer un règne durable. lis ont l’instinct de tout ce qui manque aujourd’hui ; ils ne demanderaient pas mieux, maintenant qu’ils sont en pleine victoire, que de voir le gouvernement se fortifier, prendre une certaine figure, et la république échapper aux confusions où elle a toujours jusqu’ici fini par disparaître. Ils ne méconnaissent pas le prix de la sagesse et de la raison dans les conseils. Malheureusement, dès qu’ils sont à l’œuvre, dès qu’ils ne se sentent plus contenus, ils ne peuvent plus résister à une sorte d’entraînement indéfinissable, à l’esprit de parti ou de secte qui les ressaisit. Ils font tout ce qu’ils peuvent pour rendre le gouvernement fort laborieux, sinon impossible et pour raviver les incertitudes. Ils ont toujours peur de n’être point assez républicains, de passer pour de vulgaires modérés ou de timides libéraux, et, soit crainte d’être devancés par d’autres, soit complicité inavouée, ils se prêtent à toutes les entreprises ou ils ne les empêchent pas. Ils se jettent sur tout ce qui divise les opinions, inquiète les intérêts, trouble les consciences et déconcerte tous les esprits sincères prêts à accepter un régime nouveau qui offrirait quelques garanties. Que la question de l’amnistie s’élève, au lieu de se prononcer dès le premier moment avec fermeté en laissant à un gouvernement bien intentionné le soin de faire la part de l’humanité et de l’équité par un système de clémence attentive, ils hésitent. Ils veulent faire quelque chose, ils le font partiellement, sans conviction, au risque de créer à un ministère des embarras qu’ils lui reprocheront plus tard et de voir renaître une question qu’ils croyaient avoir tranchée. Ils auraient pu en finir du premier coup avec un peu de résolution, ils restent en face d’une difficulté qui se reproduira plus d’une fois. Quand ce n’est pas l’amnistie, c’est la campagne contre le cléricalisme, c’est la guerre contre lus congrégations religieuses, contre les frères, contre les écoles chrétiennes, qu’il faut à tout prix « laïciser. » Quand ce n’est pas la guerre aux cléricaux, c’est l’épuration du personnel administratif, judiciaire, militaire, financier. Tenez pour certain que, lorsque l’amnistie plénière sera repoussée par les chambres comme elle le sera certainement, quand l’article 7 sur les congrégations religieuses aura été écarté par le sénat, comme il doit l’être selon bien des vraisemblances, la question des épurations reparaîtra plus que jamais. Le personnel des administrations publiques aura à payer pour tout le reste. C’est le goût de l’agitation pour l’agitation.

Certes de toutes les questions faites pour diviser, irriter et embarrasser l’inauguration d’un régime nouveau, s’il en est une qui aurait pu, qui aurait dû être évitée, c’est cette question religieuse qui a été soulevée sans prévoyance, qui est chaque jour envenimée par toutes les passions. C’est d’autant plus vrai que le gouvernement, sans sortir de l’impartialité qui est dans son rôle, n’avait qu’à le vouloir pour conte-