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Napoléon dit : « Mettez ces articles par écrit, je les approuverai. »

Jamais grande affaire n’a été expédiée plus promptement.

Lorsque M. de Bassano et moi nous eûmes rédigé l’acte et que Napoléon y eut apposé sa signature, il me dit : « Qui veut la fin veut les moyens. Il n’y a plus qu’une petite difficulté à lever ; il s’agit de l’article 4. L’armistice que j’ai conclu avec les Russes et les Prussiens expire au milieu du mois de juillet ; il faut donc qu’il soit prolongé jusqu’au terme solennel du 10 août. Pouvez-vous prendre sur vous de prolonger l’armistice actuel ? »

Je répondis que je n’avais pas les pouvoirs nécessaires pour cela, que cependant j’étais prêt à garantir l’acceptation d’une prolongation d’armistice par les deux souverains alliés, mais que j’étais forcé d’y mettre une condition. Voici comment je m’exprimai sur ce point : « Pour maintenir sa neutralité armée, l’empereur François a, depuis l’ouverture de la campagne de 1813, interdit toute exportation de vivres de Bohême et de Moravie. Les troupes russes et prussiennes entassées dans la haute Silésie ne peuvent rester dans l’état actuel au delà de l’expiration de l’armistice conclu (20 juillet), si on ne leur accorde les moyens matériels d’atteindre un terme plus éloigné. Votre majesté vient d’indiquer ce qu’il faut faire en disant : Qui veut la fin veut les moyens. Pour trancher la difficulté, l’empereur d’Autriche ne peut absolument faire qu’une chose, c’est de lever l’interdiction qui empêche la sortie des vivres par les frontières de la Silésie aussi bien que par celles de la Saxe. Votre majesté veut-elle me donner l’assurance qu’elle ne regardera pas la levée de l’interdiction sur la frontière de Bohême, de Silésie et de Moravie comme une rupture de la neutralité autrichienne ?

« — Je vous la donne sans difficulté, » répondit l’empereur.

Une heure après ce dernier entretien, je quittai Dresde.

Après mon retour à Gitschin (1er juillet), on prit toutes les mesures nécessaires pour assurer la subsistance des troupes russes et prussiennes cantonnées en Silésie et pour renforcer les troupes autrichiennes en Bohême ; pour cette dernière opération, il fallait rappeler le corps d’armée que nous avions envoyé à la frontière polonaise. En même temps, Poniatowski demanda l’autorisation de passer sur notre territoire neutre pour aller dans la direction de la Saxe. L’empereur François accéda à sa demande. De mon côté, je préparai la réunion des plénipotentiaires des puissances belligérantes qui devaient se rencontrer à Prague sous la médiation de l’Autriche. L’empereur quitta le quartier-général de Gitschin et se rendit à Brandeis pour se rapprocher du théâtre des négociations.

A l’heure fixée, les plénipotentiaires de la Russie et de la Prusse arrivèrent à Prague. L’ambassadeur français accrédité près la cour impériale, le comte de Narbonne, que Napoléon avait nommé son