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Comme il accablait les habitans de questions sur les rivières de la Nouvelle-Zélande, sur l’importance des populations établies près des cours d’eau, sur les ressources alimentaires dans les différentes contrées, sur les moyens de communication, les insulaires, mis en défiance, commençaient par demander le motif de pareilles interrogations ; ils finissaient par y répondre. Sur le chemin, on trouve un prêtre qui s’attribuait le don de commander aux vents et aux flots ; de sa bouche, les missionnaires apprennent que, suivant la tradition, le premier homme qui foula le sol de la Nouvelle-Zélande, était Mawi, révéré par le peuple à l’égal d’une divinité ; ils recueillent des renseignemens sur les roches et sur les passes de l’embouchure du fleuve, ce qui n’empêchera point d’aller mesurer la hauteur de l’eau sur les fonds de sable. En retournant à Kerikeri, on passe par d’autres voies ; souvent la fatigue est extrême pour les voyageurs obligés de piétiner dans la vase sous les grands arbres, la joie infinie à la vue de belles campagnes. Sur un énorme tronc coupé, dernier vestige d’un pin dont le vieux Tepahi avait fabriqué une pirogue, s’est assis le révérend Samuel Marsden ; évoquant le souvenir de ses relations avec l’insulaire, il s’écrie dans un élan de touchante naïveté : « Quel bonheur pour cet homme, s’il eût vécu, en apercevant l’avenir qui se prépare pour sa patrie ! » Après deux semaines d’absence, on a la satisfaction de constater qu’une belle demeure a été construite à Kerikeri. Le chapelain de la Nouvelle-Galles du Sud parcourant plusieurs districts dans la région de la baie des Iles, les chefs se montraient la plupart jaloux de recevoir des missionnaires. Ils attendaient d’eux la fortune, les territoires de la domination de Tuatara et de Hongi ayant gagné en armes, en outils, en substances alimentaires, une richesse ailleurs inconnue. C’est sous les plus riantes impressions que M. Marsden s’embarque en face de Rangihou pour sa résidence de Port-Jackson ; il ne devait point tarder à reparaître à la Nouvelle-Zélande[1].

Dans l’intention de diminuer les frais du transport des convicts, le gouvernement britannique avait décidé qu’un vaisseau de la marine royale serait affecté à ce service, et qu’après s’être débarrassé de sa cargaison humaine à Hobart-Town et à Port-Jackson, il irait à la Nouvelle-Zélande prendre un chargement de bois de mâture. M. Marsden fut prié de donner à l’accomplissement de cette tâche le concours de ses lumières et de son influence sur les naturels, et le brave chapelain partit de nouveau pour le pays de ses rêves, accompagné de plusieurs insulaires qu’il hébergeait dans sa propre

  1. Samuel Marsden : Proceedings of the Church Missionary Society, 1821-1822. — Dumont-d’Urville : Voyage de l’Astrobale, Histoire du voyage, t.III, a donné, à titre de pièces justificatives, les traductions de la plupart des rapports des ministres évangéliques et d’autres documens sur la Nouvelle-Zélande jusqu’à l’année 1822.