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demeure. Un chef du nom de Tetoro, qui se distinguait par une stature colossale et un air imposant, avait sans cesse les yeux attachés sur les soldats embarqués, ne dissimulant en aucune manière que cette force armée ne serait point du goût de ses compatriotes. Il n’en servit pas moins les Anglais dans la recherche des plus beaux arbres. À cette époque, les tribus de la baie des Iles et celles des régions limitrophes étaient en guerre ouverte. Malgré la protection de quelques chefs, les insulaires, comprenant trop bien que les ministres protestans se trouvaient en leur pouvoir, n’épargnaient à ces malheureux étrangers ni les vexations, ni les humiliations, ni les extorsions. Le major Richard Cruice constate que les pasteurs évangéliques, établis dans le pays depuis près de six années, n’ont pas réussi à opérer une seule conversion. Rangihou avait été délaissé pour Tepuna, situé de l’autre côté de la colline. Les missionnaires, tombés dans le découragement, voulaient tout abandonner ; Marsden raffermit les courages ébranlés, admettant qu’il y avait de mauvais jours à passer et montrant, après la peine, le succès et la gloire[1].

Au mois de février 1820, M. Kendall, allant en Angleterre, emmenait Hongi et un jeune chef du nom de Waikato. Tout d’abord, le missionnaire, qui s’était particulièrement occupé de l’idiome du pays qu’il habitait depuis plusieurs années, prit sa résidence à Cambridge ; d’après ses notes et ses indications, le professeur Lee composa pour la première fois une grammaire de la langue des Néo-Zélandais. A Londres, les chefs de la baie des Iles excitèrent la curiosité générale, surtout à raison de leur tatouage. Introduits près du roi, ils furent émerveillés en voyant l’arsenal du palais, ravis en recevant des mains de George IV une collection d’armes. Waikato convoitait toutes choses, Hongi ne prisait que les armes de guerre ; il tombait en extase devant la discipline et les manœuvres des troupes anglaises. Traité avec considération, l’orgueilleux insulaire affectait la dignité, la réserve, les façons d’un grand seigneur ; regardé comme un être curieux, il marquait son dédain, même de l’indignation. Hongi semblait avoir de hautes visées ; il demandait des mineurs pour rechercher le fer, des forgerons pour le mettre en œuvre, des charpentiers pour élever de belles constructions, quelques missionnaires pour instruire son peuple dans les arts, enfin une vingtaine de soldats britanniques sous la conduite de trois officiers pour servir de modèles à ses hommes de guerre, assurant qu’il comblerait de bonnes terres à tout ce monde et qu’il le protégerait. Des personnages de l’Angleterre, pris d’un singulier intérêt pour ces Néo-Zélandais, les

  1. Journal of ten Month’s Residence in New-Zealand, by Richard A. Cruice ; London, in-8o, 2e édit., 1824, et An account of New-Zealand and of the formation and progress of the Church Missionary Society’s Mission in the Northern Island, by the Rev. William Yate ; Londoo, in-8o, 1835.