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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 36.djvu/945

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connaît depuis longtemps la valeur : elle est encore aujourd’hui la plus fidèle et la plus poétique, la plus vivante surtout qu’il y ait dans notre langue, du chef-d’œuvre de Goethe. M. Blaze de Bury s’est fait, en France, comme un domaine du Faust de Goethe, et un domaine dont personne encore ne l’a dépossédé.

Que si maintenant les amateurs voulaient mieux encore ou plus luxueux que ce Corneille et ce Faust, le choix ne leur manquera pas, quoique un peu plus restreint cependant que les années précédentes.

En premier lieu le Livre de Tobie[1] publié par la maison Hachette, nouveau fragment de cette Bible que M. Bida s’est donné la tâche d’illustrer. Si jamais, comme il faut le souhaiter, M. Bida mène à terme cette grande entreprise, il n’y aura guère, je crois, de plus belle illustration, de la Bible. Il en est à la vérité, de l’Orient comme de la Grèce et de Rome : chaque siècle s’en fait une certaine image, et tout ce qu’on peut demander à l’artiste, c’est qu’il accommode cette image aux découvertes les plus récentes de l’archéologie du moment. Il n’y a donc pas à discuter l’interprétation que M. Bida nous donne de la Bible. Il suffit que ses compositions soient ingénieuses, et elles le sont ; simples et claires, et elles le sont, également éloignées de toute emphase et de tout excès de prétention archéologique, et elles le sont. Nous nous permettrons toutefois une légère critique : si ses figures ont du caractère, en général ; il nous paraît que quelques-unes manquent un peu d’individualité. Quelques autres nous semblent, en pareil sujet, un peu bien réalistes. En écrivant ce mot, je songe à certain jeune Tobie, soi-disant en prière, mais dont le nez retroussé, sans parler d’une mèche de cheveux qui sort impertinemment de dessous le bonnet, trahit en vérité plus de gaminerie que de ferveur. Mais c’est ici l’éternel procès. Rien ne s’opposa à ce qu’un personnage biblique ait le nez retroussé. Faut-il seulement traduire les personnages de la Bible ou généralement les figures de l’antiquité d’après les Arabes ou les Juifs de nos jours, ou faut-il en idéaliser le type, — dans une intention d’édification s’il s’agit de la Bible, — dans le sens de la force et de l’héroïsme s’il s’agit de Rome, — dans le sens de la noblesse et de la grâce s’il s’agit de la Grèce ! Nous retomberions dans la question que nous voulions éviter.

Un autre beau livre encore, mais que je ne vois pas trop bien de quel nom je pourrais nommer, histoire ou description, en tout cas très intéressant à lire et non pas seulement à feuilleter, c’est l’Égypte de M. George Ebers, traduit de l’allemand, par M. Maspero[2]. L’auteur et le traducteur sont l’un et l’autre égyptologues consommés ; ce qui ne laisse pas d’avoir son prix, encore bien qu’il s’agisse ici surtout de l’Égypte moderne. M. G. Ebers a cru s’apercevoir qu’au contact de la

  1. Le Livre de Tobie, traduction de Lemaistre de Saci, 1 vol. in-folio.
  2. L’Égypte, Alexandrie et le Caire, par M. G. Ebers, traduction de M. G. Maspero avec 332 gravures sur bois et une carte, 1 vol. petit in-folio.