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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 décembre 1879.

Que la rentrée des chambres ait entièrement répondu à ce besoin de clarté et de sécurité qui était dans l’opinion, que les affaires intérieures de la France aient été simplifiées et éclaircies par ces séances ternes, essoufflées, intermittentes, qui se sont succédé depuis quelques jours, non, on ne peut guère le dire. On ne peut l’assurer et on ne peut vraiment pas trop s’en étonner en présence de cette explosion de température boréale qui a fait un moment de Paris et d’une partie des provinces une sorte de Sibérie hérissée de glaces et de frimas dans nos zones accoutumées à moins de rigueurs. La nature a parfois de redoutables manières de faire sentir à l’improviste sa puissance, et la réalité a de terribles revanches contre les ardeurs vaines, les polémiques gonflées de passions factices et toutes les agitations artificielles. Lorsque l’atmosphère glacée et neigeuse enveloppe la terre, lorsque des milliers d’êtres humains souffrent du froid et de la faim, cherchant un abri, attendant un vêtement ou un morceau de pain, convenez que tout change, avouez que les programmes parlementaires et les interpellations risquent de se figer dans l’air, que les discours de M. Floquet ou de M. Brisson sont un cordial insuffisant, que le conseil municipal lui-même, avec ses hautes prétentions, disparaît dans ce torrent de souffrances et de misères. La politique la plus pressante et la plus vraie en ce cas-là est dans ce mouvement de charité universelle qui a éclaté spontanément dans Paris pour aller au secours des pauvres, des malheureux. L’hiver, à ce degré d’intensité, est fait pour amortir ou refroidir singulièrement les querelles d’opinions et de partis ; à la vérité, il ne les supprime pas, et le dégel qui, au premier souffle attiédi, emportera les neiges et les glaces, n’emportera malheureusement pas du même coup des difficultés de situation qui existaient avant cette épreuve, qui n’ont fait qu’apparaître dans une interpellation, qui se reproduiront sûrement à la session régulière du mois de janvier parce qu’elles sont partout.

Oui, sans doute, ces difficultés sont partout, dans les incohérences de majorité, dans les rapports du gouvernement avec les partis, dans le