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fond de la politique ; elles se sont aggravées par degrés depuis quelques mois, et, au point où en étaient les choses il y a quelques jours, lorsque la session extraordinaire s’est ouverte, des explications étaient évidemment devenues nécessaires et inévitables. Le ministère, harcelé de tous côtés et peut-être peu sûr de lui-même, finissait par disparaître dans un tourbillon de polémiques, de récriminations et de programmes. Le régime parlementaire devenait ce qu’il pouvait, une fiction dérisoire, une confusion presque ridicule, par l’effacement de toute direction supérieure dans l’effervescence des fantaisies et des initiatives individuelles. Ce que pensait réellement la chambre des députés et ce que voulait ou ce que pouvait le gouvernement, on ne le savait plus au milieu de ce nuage de mauvaise humeur et de défiance universelle qui semblait s’étendre sur la situation tout entière. C’est le mérite de M. le président du conseil de n’avoir pas voulu supporter plus longtemps ces obscurités, d’avoir marché droit sur ce qu’il a appelé des agitations ou des conversations de couloirs. Simplement, sans affectation, au nom de la vérité des institutions parlementaires, M. Waddington a mis tout le monde dans l’obligation de s’expliquer, de sortir du vague des griefs inarticulés et des programmes qui n’étaient que des déclamations vaines, s’ils n’étaient pas un mandat impératif blessant pour la dignité d’un pouvoir sérieux. Le défi, pour tout dire, a été relevé sans ardeur par M. Brisson et M. Floquet, deux porte-paroles attitrés de la fraction républicaine la plus voisine de l’extrême gauche, la plus acrimonieuse contre la partie modérée du cabinet, la plus impatiente d’imposer ses programmes de politique radicale. Le combat une fois engagé, M. le président du conseil, M. le ministre de l’instruction publique, M. le ministre de l’intérieur, chacun dans la mesure de sa situation et de son esprit, sont intervenus. Un jeune député de talent et probablement d’avenir, M. Devès, au nom de la gauche républicaine moins avancée et plus fidèle au cabinet, a, lui aussi, pris part au débat. Au demeurant, la lutte a été peu animée, embarrassée, et tout a fini par une victoire du gouvernement, par le vote d’un ordre du jour favorable et peu compromettant. Le ministère a triomphé en partie par la calme fermeté de M. le président du conseil, et surtout aussi parce qu’au dernier moment est apparue la difficulté de le remplacer.

Les votes de ce genre ne sont jamais sans doute pour un ministère un brevet de puissance ou de vie, et on peut se souvenir que l’an dernier, vers le 20 janvier, un ordre du jour de confiance conquis par la sérieuse et forte parole de M. Dufaure était suivi à peu d’intervalle d’une crise de gouvernement qui enlevait M. le maréchal de Mac Mahon à la présidence de la république, M. Dufaure lui-même à la présidence du conseil. On n’en est pas là tout à fait aujourd’hui. La victoire du 4 décembre » quoique réelle, ne reste pas moins modeste pour d’autres