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Page:Revue des Deux Mondes - 1879 - tome 36.djvu/958

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assemblée, en secondant un gouvernement de libéralisme prévoyant et juste, en prêtant son appui à une direction impartiale des affaires, à une politique d’équitable fermeté dans l’intérêt même de cette république qu’on veut fonder. Le sénat le peut, il a toutes les occasions possibles, et dans cette réorganisation préméditée de « l’ordre judiciaire, » de la magistrature, qui ne serait qu’un bouleversement, et dans toutes ces questions qui naissent à chaque instant, qui touchent à l’organisation administrative, financière, militaire du pays, et dans ces querelles religieuses si imprudemment soulevées par l’esprit de parti et de secte. La première de toutes les occasions, il va l’avoir dans cette discussion de la loi sur l’enseignement supérieur qui s’ouvrira bientôt, au début de la session prochaine et qui ne pouvait être mieux inaugurée, mieux préparée que par le savant, libéral et lumineux rapport de M. Jules Simon, lequel n’est point apparemment un républicain moins éprouvé que M. Floquet et un zélateur moins éclairé de l’enseignement public que M. Jules Ferry. De quoi s’agit-il après tout ? Il s’agit d’assurer à l’état toutes ses garanties, ses légitimes prérogatives et de laisser à la liberté tous ses droits réglés et non supprimés par les lois. Le sénat est un conservateur des droits, un modérateur prévu par la constitution : il est dans son devoir en remplissant tout son rôle avec une indépendante sollicitude pour les intérêts du pays. C’est à lui d’être un conseiller de prudence, et il n’a point à craindre de voir son indépendance mise en suspicion, d’avoir à subir les futiles récriminations de ceux qui, à tout propos, pour le moindre amendement, l’accusent de susciter des conflits, de provoquer des collisions de pouvoirs. Que signifierait donc l’existence de deux assemblées, si ces deux assemblées n’avaient pas une égale liberté, et si par une anomalie étrange, celle qui est censée la plus autorisée par l’âge, par les lumières, par l’expérience, devait être la plus subordonnée ? Ce serait une dérision. Le sénat en vérité ne servirait à rien, s’il n’avait pas le droit d’avoir son avis, son opinion sur toutes les questions qui intéressent le pays, s’il n’avait pas son influence sur la marche des affaires, sur la direction du gouvernement.

Ce qu’on lui reproche, c’est le jeu naturel des institutions qui ont créé deux pouvoirs pour multiplier les garanties, qui n’admettent pas que la liberté exercée par l’une des deux assemblées soit un défi pour l’autre assemblée. Il n’y a pas réellement de conflits, il y a des divergences aussi légitimes que naturelles, et quand ces divergences se produisent, la constitution a encore prévu le moyen d’arriver à une conciliation nécessaire. Voilà le droit, voilà la vérité, et c’est ce qui fait que la première chambre, en restant dans la stricte limite de ses attributions légales, n’a qu’à le vouloir pour exercer une sorte de magistrature supérieure, une influence utile au pays, utile au gouvernement. Le sénat est donc parfaitement libre ; il n’a ni à s’émouvoir des menaces frivoles de ceux qui l’accusent de provoquer des conflits, ni à