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l’ovaire est comprimé, la malade a toute sa conscience ; elle peut remettre en ordre ses vêtemens que les contorsions ont dérangés, causer, rire, s’amuser tranquillement avec ses voisines ; mais si l’on vient à relâcher quelque peu la compression de l’ovaire, aussitôt l’accès reprend avec tout autant de force qu’auparavant. En comprimant de nouveau l’ovaire, l’accès cesse encore. Si une phrase avait été commencée, puis interrompue par l’attaque, la phrase est reprise à l’endroit même où elle avait été interrompue. Pendant l’attaque, il y a eu une absence complète : la vie intellectuelle avait absolument disparu, et elle recommence dès que l’accès a pris fin, comme si rien ne s’était passé. Pour prendre une comparaison grossière, mais intelligible, il semble que la compression de l’ovaire soit à l’attaque d’hystérie comme un robinet est à l’écoulement d’un tuyau rempli d’eau. Si on tourne le robinet, l’écoulement cesse pour reprendre dès qu’on a de nouveau remis le robinet dans la position primitive. De même, en comprimant l’ovaire, on fait cesser l’attaque hystérique, qui recommence dès qu’on ne comprime plus. À la Salpêtrière, les malades connaissent si bien ces phénomènes que dès qu’une d’entre elles est prise d’une attaque, les autres se mettent aussitôt à son lit, et compriment l’ovaire, fût-ce pendant plusieurs heures, pour faire cesser l’accès démoniaque.

Si nous appelons indifféremment ces attaques accès démoniaques ou accès d’hystéro-épilepsie, c’est que pendant longtemps on a cru que les démons étaient les agens réels, vivans, qui provoquaient ces phénomènes morbides effrayans. Les symptômes sont tout à fait les mêmes, et il suffit de lire la description de l’attaque démoniaque d’autrefois pour reconnaître qu’elle est absolument identique à l’accès hystéro-épileptique d’aujourd’hui. Voici ce que raconte à ce propos Esprit de Bosroger, père capucin, qui était chargé d’exorciser les religieuses de Louviers[1]. « Le jour de la Pentecôte (1644), le même Dagon (c’était le nom du démon qui possédait la sœur Marie du Saint-Esprit) fut quatre bonnes heures dans la plus grande rébellion qu’on puisse imaginer pour empêcher la fille de communier, et, pendant tout ce temps-là, il fit souffrir à la fille d’étranges contorsions, la jeta par terre plusieurs fois, lui fit faire cent bonds, cent courses autour de l’église, la fit pousser,

  1. La Piété affligée, ou Discours historique et théologique de la possession des religieuses dites de Sainte-Elisabeth, à Louviers, par Esprit de Bosroger, capucin. Rouen 1752 p. 257. C’est cet ouvrage, bien curieux cependant, que Michelet appelle un livre immortel dans les annales de la bêtise humaine. Nous aurons l’occasion d’y revenir. Au demeurant ou pourra déjà juger du style d’Esprit de Bosroger par la citation que nous donnons ici.