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population n’étant agglomérée que dans certaines régions, les assemblées provinciales laissant parfois à désirer sous le rapport des lumières, le président ou gouverneur possède la principale influence. Malheureusement le choix de ce fonctionnaire est souvent dicté par les nécessités de la politique parlementaire ; l’homme appelé à ces hautes fonctions se trouve alors au-dessous de sa tâche, et si le ministère possède les moyens de parer à ses fautes, la distance rend la répression lente et incertaine.

Si l’on considère que, dans l’intérieur du pays, les voies de communication consistent dans de simples sentiers ou manquent presque complètement, que la province la plus peuplée de l’empire, Minas Geraes, compte à peine 2 millions d’habitans, que dès lors les plantations ou les centres habités dans l’intérieur sont souvent distans les uns des autres de plusieurs centaines de kilomètres, on peut se faire une idée des difficultés que rencontre le gouvernement pour exercer son droit de surveillance. Dans une localité reculée, un planteur, entouré de ses familiers blancs ou métis et de ses esclaves, est un véritable autocrate. Quand il est éclairé, bienfaisant, quand il mène une vie patriarcale et pure, le peuple de serviteurs placé sous ses ordres est des plus heureux ; mais s’il se laissé dominer par ses passions, les abus d’autorité ne sont pas rares et sont presque irrépressibles. Seule la presse, dont la liberté est absolue au Brésil, vient de loin en loin les signaler à la vindicte publique. Patiemment et résolument jusqu’à ce jour le gouvernement a poursuivi sa tâche de toutes les heures sans se laisser rebuter ; il réussit à affermir son autorité, à inspirer confiance, à diriger le pays dans la voie du progrès, mais cette tâche est immense.


I.

La direction générale de la statistique à Rio de Janeiro n’a pas encore achevé le recensement de la population de l’empire. Par conséquent, le chiffre de 10,700,000 âmes qu’on lui attribue est une simple supposition. Dans ce nombre se trouvent compris environ 1 million de sauvages et 1,500,000 esclaves.

Les esclaves représentent presque exclusivement la classe des travailleurs agricoles ; les blancs, sauf dans quelques provinces du sud moins rapprochées de l’équateur, ne peuvent affronter pour travailler la terre les ardeurs du soleil des tropiques. En forçant donc toute évaluation, on peut estimer que le soin de mettre en valeur les 8,337,218 kilomètres carrés contenus entre les frontières du Brésil, repose actuellement sur un peu moins de 2 millions d’ouvriers. Cette situation est encore compliquée par