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Dandin, un bon homme cependant, déclare que la torture est encore divertissante.

Bon ! cela fait toujours passer une heure ou deux.


Si l’on n’a aucune pitié d’un criminel vulgaire, que sera-ce de la sorcière qui s’est vouée au diable, a rejeté le Christ et mis à mal tant de créatures de Dieu ! C’est à peine si, de loin en loin, on trouve quelque trace de miséricorde : une bulle du pape Paul III pour que la torture ne dure pas plus d’une heure ; un édit du roi Louis XII pour que la torture ne soit appliquée que si l’on a des témoignages d’autorité suffisans ; quelques conseils de prudence donnés par Del Rio, qui recommande de ne soumettre un accusé à la question qu’après avoir réuni un certain nombre de preuves. En général, on ne trouve pas trace de ce noble sentiment, la pitié pour ses semblables. « Il faut, dit Del Rio, un des moins cruels cependant, que par la torture l’accusée ne soit pas grièvement blessée, de manière à ce qu’elle puisse rester vivante, soit pour la liberté, soit pour le châtiment. » Cependant il ajoute : « Pour ce qui est du broiement des os et des articulations, il ne peut guère être évité dans la torture. » Bodin, le plus crédule de tous, est aussi le plus cruel. « En Allemagne, dit-il, ils ont une très mauvaise coutume de ne faire mourir le coupable s’il ne confesse, quoiqu’il soit convaincu de mille témoins. Vrai est qu’ils appliquent la question si violente et si cruelle que la personne demeure estropiât toute sa vie. » Ailleurs il dit : « On le fit étendre avec poulies, et tirer de telle force que les bourreaux étoient las, encore qu’on lui mît des pointes entre les ongles et la chair des pieds et des mains, la plus excellente géhenne de toutes les autres, et pratiquée en Turquie. »

Il y avait deux sortes de questions, la question ordinaire et la question extraordinaire. Toute l’humanité des juges consistait à se contenter de la question ordinaire. C’est d’abord la privation prolongée de sommeil, torture actuellement encore employée en Chine, je crois, et à laquelle les plus courageux résistent difficilement. C’est ensuite la suspension par le cou ou les épaules avec des poids lourds aux pieds. Le patient étant piqué ou recevant des affusions d’eau glacée sur le dos, s’agitait, et chacun de ses mouvemens redoublait sa torture. Quelquefois l’accusée était mise à cheval sur une pièce de bois triangulaire, dont l’un des angles faisait saillie, en même temps qu’on attachait un poids énorme à chaque pied. Dans l’estrapade, on disloquait tous les membres. Le collier consistait à appliquer un garrot au cou avec des cordes neuves qu’on serrait graduellement. La confession extorquée à l’aide de ces petites tortures était dite bénévole. Si elles ne réussissent pas, il faut alors avoir recours aux grands tourmens. Les jambes martelées, les