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pays et en perpétuant les inquiétudes qui résultent d’une situation instable. A cet égard, nous nous contenterons de faire remarquer que, si l’on avait consacré seulement la dixième partie de ce que nous ont coûté la commune et la dernière guerre à des travaux publics intérieurs, et à l’extension de notre influence en Afrique, nous n’aurions pas perdu nos deux plus belles provinces, nos ports seraient parfaitement outillés, des canaux, des routes et des chemins de fer sillonneraient le territoire, assurant un transport facile à tous nos produits, et nous serions les maîtres de tout le nord du continent africain, d’où notre commerce pourrait rayonner dans l’intérieur. Au lieu de ces avantages, la politique néfaste de l’empire nous a laissé des charges énormes dont l’agriculture supporte presque tout le poids, et nous a légué le germe de nouveaux conflits. Il n’est douteux pour personne que, tant que l’équilibre n’aura pas été rétabli entre les puissances européennes, on ne saurait compter sur une paix durable, et qu’une guerre nouvelle peut éclater d’un jour à l’autre, malgré les alliances et les traités. Dans la mêlée qui se prépare, la France n’a qu’un rôle à jouer, c’est de reprendre sa politique traditionnelle, en se faisant le champion des petits états ; c’est pour elle le seul moyen de reconquérir, en attendant ses provinces perdues, l’ascendant moral qui jadis avait fait sa grandeur.


I

Les causes physiques de la crise actuelle sont locales ou générales. Parmi les premières, il faut ranger la suppression de la culture de la garance, qui faisait autrefois la fortune du département de Vaucluse, remplacée aujourd’hui par l’alizarine artificielle, et la maladie des vers à soie, qui a fortement atteint une industrie autrefois prospère dans plusieurs départemens méridionaux.

Les premiers mûriers furent introduits en France par Clément V, dès son arrivée à Avignon, en 1309. La culture s’en répandit rapidement dans toute la vallée du Rhône et y prospéra, avec des alternatives diverses, jusque vers 1853, époque où les vers furent atteints d’une maladie qui les tuait avant qu’ils eussent pu filer leurs cocons. Les belles découvertes de M. Pasteur ont servi, il est vrai, à atténuer les désastres, puisqu’elles ont démontré que, la maladie provenant de la présence dans les vers de corpuscules étrangers, il suffisait de s’assurer au microscope que les œufs n’en contenaient pas pour être certain d’obtenir des vers sains ; mais elles n’ont pu rendre à l’industrie séricole son ancienne prospérité. La production de la soie qui, en 1853, avant l’apparition de la maladie, était de 26 millions de kilogrammes, valant 117