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moléculaire, et elle rebroussera chemin immédiatement si l’on intervertit le sens du courant. Que l’on dispose maintenant devant une telle roue à palettes un écran et que l’on concentre sur cet écran, à l’aide d’un petit miroir concave formant le pôle négatif, les courans de matière radiante, de telle sorte que celle-ci ne puisse plus rencontrer les palettes, la roue demeurera immobile. Mais détournez le courant, à l’aide d’un aimant, vers la partie supérieure, la matière radiante rencontrera les palettes non protégées par l’écran et imprimera immédiatement, à la roue un mouvement de propulsion.

M. Crookes a employé le radiomètre pour compléter ses belles démonstrations. Tout le monde a vu tourner les ailettes de cet instrument, sorte de petit moulin à vent qui marche à rebours dans un ballon de verre dont l’atmosphère a été raréfiée. C’est l’effort direct du vent qui pousse et fait tourner les ailes d’un moulin à vent. Dans le radiomètre, au contraire, les ailettes tournent par l’effet d’un recul dont il est facile de se rendre compte. Chacune d’elles reçoit l’impression des rayons calorifiques sur l’une de ses faces, revêtue d’une substance absorbante et susceptible de s’échauffer un peu plus que l’autre. Les molécules d’air qui rebondissent après avoir frappé cette face, plus chaude tendent à faire reculer l’ailette, comme le jet d’eau fait reculer la petite lance du tourniquet hydraulique. L’ailette qui semble fuir le rayonnement calorifique tourne en réalité parce qu’elle est repoussée par le courant moléculaire qui s’éloigne de l’une des surfaces. Mais pour que cet effet puisse se produire, il faut que l’atmosphère de la boule soit raréfiée. A la pression ordinaire, les distances de libre parcours sont tellement courtes et les chocs moléculaires sont tellement multipliés que l’excès de pression des molécules qui s’élancent de la face chaude se communique instantanément, de proche en proche, à la masse gazeuse tout entière et se propage dans toutes les directions, de telle sorte que la face opposée de l’ailette reçoit, à l’instant même, une impulsion égale fit contraire à celle qui sollicite la face chaude. L’ailette reste donc au repos et le radiomètre ne tourne pas dans un gaz soumis à la pression ordinaire. Cet instrument délicat est vraiment bien nommé : après de longues discussions sur les causes du phénomène qu’il fait apparaître à nos yeux, les physiciens reconnaissent aujourd’hui que ce ne sont pas les radiations calorifiques ou lumineuses de l’éther, mais bien les molécules gazeuses de l’atmosphère raréfiée elle-même qui le mettent en mouvement. En d’autres termes, c’est de la matière radiante qui est émise, en quelque sorte, par la face chaude et qui fait reculer celle-ci. On peut la mettre en mouvement par de la matière