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consistance qu’elle fut employée à construire sur la plage une maison destinée à servir d’abri à ceux des officiers qui, nuit et jour, devaient s’y livrer à des observations magnétiques. Le chemin qui y conduisait du bateau, long d’un kilomètre, fut marqué par des blocs de glace d’une hauteur de 4 à 5 pieds, distancés à 20 pas l’un de l’autre, et reliés entre eux par une corde qu’il fallait bien souvent sortir de la neige sous laquelle elle était ensevelie. Dès que cet observatoire fut terminé, on s’occupa du navire ; on coucha le mât de perroquet et ses agrès sur le pont, une tente fut dressée à la proue, et l’on couvrit la Vega d’une épaisse couche de neige. Rien ne fut plus aisé, car les rafales des vents d’automne en avaient amoncelé de grandes quantités aux flancs du vaisseau, ne laissant au centre qu’un étroit passage. L’entrepont fut ensuite déblayé et l’on y établit une cheminée ; ce lieu agrandi devint le salon de réunion de l’équipage, soit pour les jours destinés aux services religieux, soit pour les conférences qui, durant l’hiver, se firent chaque samedi soir sur différens sujets : histoire naturelle, voyages polaires et autres. D’ailleurs, l’expédition était munie d’une bonne bibliothèque. Il y avait à bord la collection d’un journal suédois des années 1877 et 1878. Chaque matin on faisait à l’équipage la distribution d’un numéro de ce journal et, quoique les nouvelles de la guerre turco-russe qu’on y trouvait eussent un an de date, elles n’en étaient pas moins lues avec un grand plaisir. On célébra la fête de Noël très joyeusement, car on dansa autour de tables richement servies. Un arbre de Noël fut simulé au moyen de branches de sapin liées ensembles par des rubans de couleur dont on laissa flotter les bouts ; de grandes caisses, tenues jusqu’alors soigneusement cachées, s’ouvrirent comme par enchantement, à minuit ; elles se trouvèrent pleines de cadeaux de toute espèce. On se chauffait également pendant la journée dans la chambre de la machine, où une cheminée avait été installée ; grâce à elle, il régnait à bord une chaleur suffisante variant de 15. à 18 degrés. Pour distraire l’équipage, un banc de tourneur fut établi dans l’entrepont, et bien des heures agréables se passèrent à travailler du bois. Grâce à toutes ces précautions, le séjour de la Vega devint très supportable ; il l’eût été tout à fait sans un peu d’humidité qui entrait par les sabords, inconvénient minime en regard de ceux que d’autres expéditions eurent à supporter.

N’omettons pas un détail important : la chaloupe à vapeur fut transportée par-dessus bord et garantie ainsi de toute fâcheuse avarie.

Quand vinrent les ouragans de neige de l’hiver, les promenades