Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 37.djvu/957

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’un accent énergique et ferme, en rétablissant la vérité des choses, en restituant à la révolte et aux révoltés leur caractère, à la justice ses droits, à la société ses devoirs de vigilance et de défense ; mais ce qui a évidemment décidé du sort de la proposition de M. Louis Blanc, c’est l’intervention de M. le président du conseil portant dans ces débats irritans et inutiles l’autorité de la parole du gouvernement. M. de Freycinet paraissait pour la première fois à la chambre comme chef de cabinet appelé à prononcer le mot décisif sur une question aussi délicate que grave, et il a enlevé le succès ; il a gagné sa bataille, — au moins sur ce point spécial et pour le moment.

Ce que M. le président du conseil pense de la commune, on n’en peut douter, il serait presque superflu de le lui demander, et ce serait en vérité une injure toute gratuite de lui supposer une hésitation d’opinion. Il a voulu, cela est bien clair, éviter de s’engager dans des jugemens rétrospectifs ; il en a dit assez dans tous les cas pour laisser parfaitement comprendre qu’il a, comme tous les esprits justes, une opinion décidée sur « les origines, le caractère et les actes de la commune, « sur des événemens dont aucune amnistie ne saurait « changer la moralité », sur une insurrection à laquelle on pourrait accorder le pardon, le jour où la clémence serait sans péril, mais dont on ne peut souffrir la réhabilitation. Au fond, M. le président du conseil a parlé en politique mesuré et fin, ayant visiblement l’œil sur une situation parlementaire fort compliquée, tournant avec dextérité les écueils, évitant de se lier, repoussant nettement toutefois, l’amnistie plénière du moment, et voir toutes les conditions qu’il met à la possibilité d’une extension d’amnistie dans l’avenir, on peut bien s’apercevoir qu’il ne se fait pas beaucoup d’illusions ; s’il faut toutes ces conditions, la question est congédiée pour longtemps, et le « jamais, » qui n’est pas dans les paroles reste à peu près sous-entendu.

Que faut-il en effet avant tout ? C’est M. le président du conseil qui le dit : il faut que l’opinion, qu’on représente comme indifférente ou même comme sympathique pour l’amnistie, et qui ne l’est pas, cesse de s’inquiéter de ces événemens d’autrefois qui lui ont laissé une impression sinistre, qu’elle ne puisse plus voir dans un acte de clémence, le signe « d’une faiblesse du gouvernement, le symptôme d’une politique moins prudente et moins, ferme. » Il faut que le pays soit préparé à recevoir l’amnistie, « Le sera-t-il jamais ? Arrivera-t-il à oublier suffisamment ? Ce ne sera dans tous les cas que lorsque, l’amnistie ne sera plus un moyen d’agitation, jusqu’elle ne sera plus représentée comme « une revendication, » comme « une réhabilitation, » lorsqu’elle ne sera plus en même temps, dans la main des partis, une arme d’opposition contre le gouvernement. Il faut « que le gouvernement soit assez fort pour rassurer pleinement le pays sur rassurer pleinement le pays sur les suites d’une