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telle mesure. » Voilà bien des choses qui sont nécessaires, de l’aveu de M. le président du conseil, et en définitive, cela veut dire, en d’autres termes, qu’il faut sortir de l’équivoque que nous signalions, qu’il faut cesser de vouloir le pour et le contre, de prétendre fonder une république digne de confiance, un gouvernement sérieux, avec une politique d’agitation, de représaille ou de subversion.

Assurément, M. le président du conseil a raison lorsqu’il s’efforce de rallier la majorité en lui demandant de l’aider « à bien gouverner, » de façon à inspirer la confiance au pays, lorsqu’il la presse de s’attacher aux œuvres pratiques, de mettre au-dessus des questions irritantes de parti les « lois utiles… les réformes sérieuses graduellement abordées dans un esprit de libéralisme et de prudence. » Tout cela est juste et sensé ; mais M. le président du conseil ne peut s’y tromper : l’amnistie n’est pas la seule dissonance dans l’ordre régulier où il propose à la chambre d’entrer ; elle n’est pas le seul fait qui jure avec cette politique de paix et de libéralisme dont il élève le drapeau au milieu des partis. Il ne servirait de rien de signaler les dangers de la politique d’agitation et de guerre à propos de l’amnistie, et de pratiquer ou de laisser pratiquer cette politique dans les affaires de la magistrature, dans le domaine de l’enseignement, dans la distribution des emplois, dans les questions qui, en intéressant les consciences religieuses, touchent si intimement aux mœurs, aux traditions, aux plus profonds instincts du pays. C’est à M. le président du conseil d’employer sa séduisante éloquence à montrer que tout se tient ; c’est à lui de faire sentir à la chambre, à ses collègues eux-mêmes, qu’au lieu de perdre leur temps dans des luttes inutilement irritantes, dans des conflits départi pour l’amnistie ou pour un article 7, dans des bouleversemens périodiques de personnel, ils feraient mieux de s’attacher à « bien gouverner, » à préparer impartialement les lois utiles, les réformes sérieuses dont la France a besoin. « Construisons ensemble nos chemins de fer, dit-il, creusons nos ports, bâtissons nos écoles, instruisons le peuple, améliorons nos tarifs de douane, dégrevons nos impôts ; en un mot, augmentons par tous les moyens possibles la prospérité matérielle et morale du pays. » Soit, le programme est complet, — il n’y a plus qu’à le réaliser ! Maintenant l’amnistie est écartée dans l’intérêt supérieur de la paix civile et de la politique proposée par M. le président du conseil. C’est à M. le ministre de l’instruction publique, à M. le garde des sceaux, pour se conformer au programme, de mettre un frein à leur humeur de réorganisation ou de désorganisation, de reprendre leurs projets pour les revoir, de laisser passer avant tout et les discussions sur les lois militaires qui restent en suspens, et cette discussion sur les tarifs qui vient enfin de s’ouvrir, qui intéresse la fortune publique. Franchement, sans cela, on a beau déployer un programme, on n’a rien