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11 octobre 1310, le serment solennel de défendre la foi catholique, d’exterminer les hérésies, de ne contracter aucune alliance avec les ennemis de l’Église, de protéger le pape, de conserver tous les droits de l’Église romaine, etc. De bonne foi, Clément et Henri purent croire que ce voyage servirait à l’extinction des factions guelfe et gibeline. C’était bien peu connaître l’Italie. La présence de l’empereur augmenta les troubles et donna aux gibelins un sensible avantage sur les guelfes. Il y avait plus de soixante ans que l’Italie n’avait pas vu d’empereur. Le voyage de Henri était une reprise de possession, à peine déguisée, de la péninsule par l’empire. Derrière les fêtes, les distributions de titres et de fiefs, il y avait une reconstitution effective de l’autorité impériale ; et Henri n’avait avec lui qu’une poignée d’hommes, insuffisante pour dompter les mille résistances qu’il trouvait à chaque pas.

Le pape avait promis d’aller à Rome donner à Henri, de sa main, la couronne impériale. Il se garda de tenir parole, allégua l’approche du concile qui l’empêchait de passer les monts, et se fit remplacer par des cardinaux. La bulle de commission commençait par les exagérations mêmes qu’on avait biffées, à la demande du roi de France, dans les registres de Boniface : « Jésus-Christ, le roi des rois, a donné une telle puissance à son Eglise que le royaume lui appartient, qu’elle peut élever les plus grands princes et que les empereurs et les rois doivent lui obéir et la servir. »

A Rome, l’affaire tourna au plus mal. La maison de Naples et les Ursins s’opposaient au couronnement de Henri. On se battit ; les Allemands eurent le dessous ; l’empereur dut se contenter d’un misérable couronnement à Saint-Jean de Latran. Il en fut très irrité. Clément acheva de l’exaspérer en l’engageant à faire sa paix avec la maison de Naples d’une façon qui impliquait que le saint-siège avait des droits égaux sur l’empereur et le roi de Naples. Henri, qui jusque-là avait laissé tout dire, trouve maintenant des juristes pour établir que le pape n’a nul droit d’ordonner une trêve entre l’empereur et un de ses vassaux, puisque l’empereur ne tient rien du pape et n’est engagé envers personne par serment de fidélité. La rupture, à partir de ce moment, fut à peu près complète. Henri mit Robert de Naples au ban de l’empire, le déposa, le condamna à mort. Quelques jours plus tard, il mourut lui-même, dans un couvent non loin de Sienne, après avoir reçu la communion de la main d’un dominicain. On prétendit que le frère avait mêlé du poison au vin de l’ablution qu’il lui avait donné.

Clément pendant ce temps tenait son concile à Vienne (du 13 octobre 1311 au 6 mai 1312) avec plus de solennité que de conviection.