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et alors il suit, s’il ne les devance, ceux qui lui ont fait toucher au doigt le mal et le remède.


I.

Quand le parlement a repris ses travaux, après de longues vacances, on pouvait espérer que la situation allait enfin se simplifier par un nouveau classement des groupes parlementaires, à la suite d’une discussion générale où chaque chef de groupe apporterait son programme. On pouvait croire également que de cette grande discussion sortirait un cabinet vraiment autonome, possédant la pleine liberté de ses actes, sous la puissante direction d’un chef reconnu, et avec le concours d’une majorité homogène. On devait compter enfin que la politique de notre pays allait rentrer dans les conditions du gouvernement parlementaire. Rien de tout cela ne s’est réalisé jusqu’à présent. Il n’y a point eu de discussion sur l’ensemble de cette politique. Nous avons vu sortir, non pas du parlement, mais du cabinet du président de la république, un ministère improvisé dans un entretien de deux importans personnages, auquel personne ne croit une indépendance et une initiative propres. Nul groupe ne s’est encore expliqué sur son programme, et toute la discussion dans les chambres s’est bornée à des questions spéciales, d’une grande portée politique, il est vrai. La discipline enchaîne toujours les volontés plus ou moins résignées; le mot d’ordre couvre les dissidences latentes.

Nous avons eu sans doute une déclaration du nouveau ministère, où le président du conseil a mis tout ce qu’il a pu de cet esprit de mesure, de sagesse, de conciliation qu’on lui connaît. Malheureusement, ses excellentes intentions sont pour l’avenir. Le présent reste chargé d’une lourde et fâcheuse liquidation. Parmi les lois et les mesures qu’annonce la déclaration ministérielle, il en est, comme la réforme de la magistrature, l’épuration des administrations, les lois sur l’enseignement, qui sont un legs embarrassant du ministère Waddington. Ce n’est pas le nouveau ministère qui pouvait les retirer, puisqu’elles avaient été imposées à l’ancien par les groupes parlementaires qui font la majorité actuelle du cabinet Freycinet, à l’exclusion du centre gauche dont les répugnances pour de telles lois et de telles mesures sont bien connues. C’est ce qui fait la choquante contradiction d’une déclaration qui débute par des actes de guerre, et finit par de douces paroles de paix. Quand on veut sérieusement rallier les partis hostiles à la république, il ne faut pas commencer par y jeter les fonctionnaires les plus inoffensifs par des épurations sans trêve et sans fin. Si nous jugeons le chef du cabinet sur les discours qu’il a prononcés dans le parlement, ou