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Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/13

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droite, qu’ils veulent seulement pouvoir défendre, en toute indépendance, la politique de liberté, de modération, de conservation intelligente, de réformes utiles et pratiques, qu’ils ont toujours représentée dans les divers groupes du parti républicain. Ils ne peuvent faire le sacrifice de convictions professées avec tant d’éclat aux exigences d’une discipline qui leur impose l’oubli ou le silence. Quoi qu’il arrive, — et qui peut prévoir l’avenir? — ils resteront en paix avec leur conscience, laissant à d’autres la responsabilité d’une politique que le succès ne suffit point à absoudre.

Nous voudrions montrer que, dans la campagne que le parti républicain libéral vient de commencer, ce n’est pas seulement pour la bonne cause qu’il combattra; c’est aussi pour la cause qui doit finir par triompher, s’il y apporte la résolution, la persévérance, le dévoûment, que le pays est en droit d’attendre des chefs qui le dirigent. En ce moment, les apparences lui sont peu favorables. Ni le parlement ni le pays ne semblent encore bien comprendre son attitude; nouvelle. Au parlement, il n’a qu’une faible minorité qui n’est même pas composée du groupe entier auquel il appartient. Avant de songer à faire des conquêtes dans les autres groupes plus ou moins modérés de gauche, il lui faut rallier d’abord tout le centre gauche proprement dit, dans les deux chambres. Les habitudes de discipline ont pu retenir jusqu’ici bien des députés et des sénateurs qui n’ont guère plus de goût que les dissidens pour la politique de passion et de combat. Le mot d’ordre ne couvrira pas toujours la manifestation de leurs vrais sentimens. On peut espérer, sans trop d’optimisme, qu’à mesure que la situation créée par la politique jacobine et radicale s’aggravera, ils seront plus disposés à reprendre leur liberté et à grossir les rangs de la petite phalange qui a pris l’initiative de la scission. Voilà dans quel espoir nous nous associons à la patriotique entreprise des amis de la république libérale. Quant aux groupes de la droite, si le parti républicain libéral peut compter sur leur concours pour faire rejeter les lois antilibérales et les réformes radicales, il ne peut l’espérer pour tout ce qui aiderait à l’affermissement des institutions républicaines. D’autre part, tout en laissant déjà voir une vague inquiétude, le pays n’en est pas encore à bien comprendre la politique qui la cause; il n’est pas prêt à prendre parti sui-les programmes opposés qui commencent à se faire jour dans le monde politique. Sans être sourd ni aveugle, le suffrage universel n’entend pas ce qu’on lui dit à demi-voix; il ne voit pas ce qu’on ne lui montre que de loin. Il faut élever la voix pour qu’elle frappe ses oreilles ; il faut mettre à la portée de sa vue les choses qui peuvent l’intéresser. Puis le moment vient où son sentiment s’exalte, où son imagination s’échauffe,