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sur le parti à adopter définitivement. Le commerce commence à s’inquiéter, et ses préoccupations ont été très vivement excitées par l’apparition récente d’un document parlementaire qui a fait grand bruit. La sous-commission de la chambre chargée d’étudier le régime des chemins de fer vient d’adopter un rapport concluant au rachat de la compagnie d’Orléans, et la première moitié de ce rapport est consacrée à la question des tarifs. Une très vive polémique s’est engagée à ce sujet dans les journaux : l’industrie, en effet, dans les conditions actuelles ne repose-t-elle pas presque entièrement sur des combinaisons de prix de transport? Aussi tout ce qui est relatif à cette question éveille les préoccupations légitimes de toute la partie intelligente et travailleuse du pays. Tout le monde parle donc des tarifs de chemins de fer; bien peu de gens se rendent compte de ce mécanisme, et il nous a paru utile de donner quelques éclaircissemens pour permettre de suivre la lutte engagée. Tel est le but de cette étude, destinée non aux gens du métier, mais au public en général.


I.

Quand on s’adresse à une entreprise de transports : voitures sur route, compagnie fluviale ou maritime, chemin de fer, etc., et qu’on lui confie sa personne ou sa marchandise, on sait à l’avance qu’il faudra payer le service rendu, service onéreux qui doit nécessairement être rétribué; mais la situation est toute différente, suivant qu’on a affaire à un chemin de fer ou à un autre mode de locomotion.

La mer, les fleuves et les rivières appartiennent à tout le monde ; la route, construite par l’état ou le département, est livrée gratuitement au public ; si donc vous vous adressez à une entreprise de transport par eau ou sur route, la rétribution du service n’est que la rémunération des frais du transport proprement dit. Mais, pour un chemin de fer, il n’en est pas ainsi ; avant de faire circuler un wagon, on a construit la plate-forme de la voie et dépensé en achats de terrains, travaux, etc., de fortes sommes qui constituent la dépense de premier établissement.

Il faut que le capital employé dans ces travaux trouve sa rémunération et par suite il est indispensable que, sur chaque perception opérée au guichet, on fasse un prélèvement destiné à désintéresser ce capital. Non-seulement on doit lui servir un intérêt, mais on doit encore l’amortir, puisque, dans le système adopté en France, les concessions sont précaires et doivent cesser à la fin d’une certaine période.

Dès lors, toute perception doit atteindre un double but :