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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




29 février 1880.

Un jour, M. Guizot, ministre de la monarchie de juillet au temps où cette monarchie en était encore à se fonder laborieusement au milieu des contestations ardentes, M. Guizot disait aux partis qui s’appelaient progressistes, qu’il appelait, lui, des partis agitateurs et stériles : « Le progrès a deux conditions impérieuses et les voici : l’une que l’ordre règne. Il n’y a de progrès qu’au sein de l’ordre. Ce que vous appelez progrès n’est qu’un ébranlement continuel, la dissolution de la société. Le progrès régulier, permanent, tel qu’une société constituée doit le vouloir, ne peut s’accomplir qu’au sein de l’ordre. — Voici la seconde condition : Pour qu’il y ait progrès, il faut qu’il y ait quelque chose de nouveau, de vraiment utile, de fécond dans les idées du parti qui le demande. Le parti qui se proclame parmi nous le parti du progrès se vante. C’est au contraire un parti usé, un vieux parti, un parti stérile qui se traîne dans l’ornière révolutionnaire... Vous êtes un vieux parti; il nous faut du nouveau, et vous n’en avez pas! » Ce n’est pas l’ordre, au moins l’ordre matériel, qui marque aujourd’hui en France. Il règne partout plus qu’il n’a jamais régné, — et qui chercherait à le troubler se mettrait en contradiction avec le vœu le plus évident, avec l’instinct le plus profond du pays; mais, à part cet ordre matériel, qui n’est point menacé, ainsi que le disait récemment M. le président du conseil, est-ce que les paroles de M. Guizot ne sont pas toujours vraies et ne trouveraient pas à tout instant leur application autour de nous? Sans doute, depuis que ces paroles étaient prononcées, depuis près d’un demi-siècle, les circonstances ont singulièrement changé. La monarchie existait autrefois, la république existe aujourd’hui. Est-ce qu’il ne s’agit pas encore, après tout, d’un régime libéral et parlementaire à fonder, d’une politique à trouver pour ce nouveau régime, du vrai progrès à réaliser « au sein de l’ordre, avec des idées vraiment utiles? » La faiblesse des partis qui dominent aujourd’hui dans les assemblées est d’être assez médiocrement façonnés à leur rôle, de faire à tout propos de l’ordre avec du désordre, de chercher ce qu’ils appellent le progrès dans des vieilleries révolutionnaires ou dans des expédiens de désorganisation. La vérité est qu’ils n’ont montré jusqu’ici ni le sens