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approvisionné du côté de l’art. Renonçant donc à la fois aux leçons qu’il avait entrepris de donner pour vivre et aux leçons que lui-même recevait depuis quelques années dans l’atelier de Gros, il prit le chemin de l’Italie vers la fin de 1830. né à Paris le 30 septembre 1806, Jean-Baptiste-Alexandre liesse était alors âgé de vingt-quatre ans.

Le temps qui venait de s’écouler n’avait pas eu du reste cet unique résultat de préparer Hesse à une carrière spéciale et de le mettre en mesure d’y entrer sans grand risque. Tout en travaillant assidûment à devenir un peintre, Hesse s’était imposé le devoir d’apprendre aussi ce qu’il appelait son métier d’homme et, pour cela, de suppléer par des efforts tout personnels à l’insuffisance de l’instruction générale qu’on lui avait donnée. En fait d’éducation morale, nous l’avons dit, rien n’avait manqué à son enfance sous le toit paternel ; mais pour le reste les secours s’étaient trouvés forcément si réduits que, sauf la lecture et l’écriture, liesse, presque adolescent déjà, ne possédait pas même les connaissances les plus élémentaires. Quelques heures régulièrement passées chaque semaine dans les bibliothèques publiques lui apprirent d’abord à quels livres il devait recourir pour s’initier aux études littéraires ou historiques. Puis, ces premiers renseignemens une fois obtenus, il en profita pour recueillir comme il put de quoi former sa propre bibliothèque : collection bien modeste, il est vrai, puisqu’elle ne se composait au début que d’une douzaine de volumes, parmi lesquels, outre des grammaires et des dictionnaires, Virgile, les Pensées de Pascal et la Satire Ménippée.

Ce fut à force de relire ce petit nombre d’ouvrages, à force d’en apprendre par cœur, d’en copier et d’en recopier des pages entières, qu’il réussit à acquérir, avec les premières notions de la langue latine et de la syntaxe française, des principes littéraires assez fermes pour résister jusqu’à la fin à certains entraînemens contemporains et, en matière d’histoire, un goût exclusif, un vrai goût de bénédictin pour les documens authentiques. Qui sait même si l’influence exercée en ce sens par la Satire Ménippée sur l’esprit du jeune homme ne s’étendit pas aussi aux habitudes du peintre? La prédilection de celui-ci pour des sujets appartenant à peu près à la même époque que le livre permet au moins de le supposer, et l’on serait fondé peut-être à reconnaître la perpétuité de cette influence dans la succession même des années où parurent, à de plus ou moins longs intervalles, des tableaux comme la Procession de la Ligue, la Mort du président Brisson et plusieurs scènes de la vie de Henri IV.

Quoi qu’il en soit, et si restreint qu’ait été au commencement