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Cuvier, qui, remontant au loin dans les âges écoulés, posent les grandes lois paléontologiques. Mais, si la recherche des faits et la comparaison qu’on en peut faire sur de vastes espaces doivent d’abord instruire le géologue et le guider dans une voie sûre pour reconstituer les annales du passé, on ne peut nier que l’expérimentation lui fournit ensuite le plus utile concours pour appuyer la synthèse déduite de ses analyses. Le génie de Buffon ne s’y était pas trompé. Que le savant reproduise dans les fours de son laboratoire, et par des réactions voisines de celles que la nature a pu choisir, quelques-uns des minéraux qui tapissent les filons ou imprègnent les roches, qu’apportent les bolides ou que rejettent les volcans, il aura fort éclairé à coup sûr le mystère de leur origine. Et s’il peut imiter, par des actions connues et volontairement variées, les effets qui s’accusent en traits gigantesques à la surface du globe, n’aura-t-il pas dévoilé quelques-uns des rouages employés par la nature ? Il est toutefois une cause d’erreur dont il faut ici se défendre : dans les systèmes que la mécanique compare, elle n’a pas seulement à considérer, comme la géométrie, des relations de longueurs; elle y ajoute les notions de masse et de temps. Les conditions de similitude sont donc plus complexes, et bien que Galilée et Newton les aient dès longtemps formulées, on les a parfois entièrement méconnues. Ainsi de ce qu’une eau chargée de sable abandonne, sur les parois d’une bouteille, des couches inclinées de limon, on n’a pas hésité à conclure qu’une action semblable a suffi, avec l’aide du temps, pour élever l’Himalaya et pour édifier les Andes.

Quelque discrédit que de semblables joujoux géologiques attirent momentanément sur l’expérimentation, la méthode survit aux abus qu’on en peut faire. « L’expérience, a dit Bacon, est la fille légitime de l’observation, fécondée par le raisonnement. » Bien loin de s’aventurer seule et à tâtons, l’expérimentation vient d’ailleurs a posteriori contrôler les données acquises et en vérifier les déductions logiques. Il semble en effet que son heure est arrivée. Beaucoup de problèmes, dont la solution est encore incertaine, ont reçu de l’observation tout ce qu’elle peut donner. Ce qu’elle a préparé veut être achevé par une autre méthode. Même après le fait établi par Torricelli, n’a-t-il pas fallu l’expérience de Pascal au Puy de Dôme pour donner une démonstration définitive de la pesanteur de l’air? Quoique jusqu’ici le rôle de l’expérimentation en géologie ait été restreint, les merveilleux progrès qu’elle a permis de réaliser dans le domaine varié des sciences physiques ou naturelles donnent à croire qu’entre des mains habiles elle ne sera pas moins profitable à la science de la terre.

Elle a déjà conduit à des résultats du plus haut intérêt, dont le