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roches granitiques. Les calcaires ne donnent que du limon, mais avec les roches quartzeuses, il se sépare aussi un sable généralement très fin, pauvre en feldspath, anguleux même après un long parcours, — comme celui de l’Aar dans le Rhin après 300 kilomètres de charriage, — analogue à certains grès micacés ou quartzeux provenant de la trituration du granité, aux grès houillers d’Angleterre ou de Belgique, au grès des Karpathes, à la molasse des Alpes. Quant aux graviers, l’expérience ne réalise leur formation que par la compression et l’écrasement. Il lui faut en cela imiter les glaciers, qui broient les débris des hautes cimes et, par leurs torrens, répandent sur les vallées les sables grossiers, tandis que les élémens fins sont entraînés au loin vers les plaines. Cette ablation glaciaire joue d’ailleurs un rôle plus important qu’on ne le croirait d’abord: un seul glacier comme celui de l’Aar, dont le bassin ne dépasse pas 60 kilomètres carrés, fournit par jour 100 mètres cubes de sable au torrent qui les emporte. Quelle masse de matériaux doit s’accumuler, par la fusion des glaces polaires, sur le fond des océans et jusque sous l’équateur! Enfin des sables à grains arrondis peuvent se produire toutes les fois que les fragmens de la roche triturée sont assez gros pour s’user dans leurs frictions mutuelles et assez légers pour obéir au mouvement de l’eau. Il y a ainsi une limite, qui dépend d’ailleurs de la nature de la roche et de la vitesse du courant ou des vagues. C’est là ce qui explique, dans certaines formations de sables ou de grès, la parfaite uniformité des grains arrondis. Naturellement les élémens plus lourds, comme le grenat, l’étain, les pépites d’or ou de platine, subissent une plus grande usure[1], tandis que les cristaux très fins, les petits saphirs de Ceylan, par exemple, échappent au frottement. Chaque grain de sable porte ainsi le signalement de son origine et témoigne des conditions physiques de sa formation.

Depuis les recherches de Vauquelin, continuées par MM. Pelouze et Becquerel, on savait que les roches feldspathiques, en même temps qu’elles se triturent, éprouvent une décomposition chimique. Mais des expériences précises ont été faites, dans les ateliers de la manufacture des tabacs, avec le feldspath orthose qui, dans les environs de Limoges, sert à la fabrication de l’émail. 3 kilogrammes de ce caillou, malaxés avec 5 litres d’eau dans un cylindre de fer pendant cent quatre-vingt-douze heures, ce qui correspond à un trajet de 4160 kilomètres, ont abandonné 12gr,60 de potasse, soit 2gr,52 par litre. Avec de l’eau salée, il ne se manifeste que des

  1. Par des expériences directes, M. Daubrée a étudié la répartition des paillettes d’or dans le Rhin. Il a constaté qu’elles ne se trouvent jamais dans les sables fins, mais à l’aval des rives corrodées par le courant, et au milieu de cailloux ou de gros graviers.