Correspondance) ; Garnier, Paris, 1880.
Je ne sais si Voltaire est, sans contredit, comme l’assurait un de ses biographes, en l’an v de la république, « le plus beau présent que la nature ait jamais fait aux hommes ; » mais je sais du moins que sa Correspondance est la plus merveilleuse, assurément, qu’il y ait dans aucune langue. Nous possédons ainsi, dans notre littérature, un petit nombre d’œuvres, uniques en leur genre, où la libre originalité, je dirais mieux encore la personnalité de la forme, le dispute à l’intérêt historique, général et humain du fonds : tels seraient les Mémoires de Saint-Simon, et telle est la Correspondance de Voltaire. Si vous voulez savoir ce que c’est en bon français qu’aisance, agrément, vivacité du tour, — précision, netteté, bonheur de l’expression, — choix, justesse et rareté de la nuance, — lisez, et relisez encore la Correspondance de Voltaire. Il s’y rencontre, malheureusement, et trop souvent, d’affligeantes grossièretés : il n’en reste pas moins vrai que personne, selon le mot de la margrave de Bayreuth, n’a écrit plus piquamment. Avec cela, si vous voulez pénétrer dans l’intimité d’un siècle, discerner les secrètes raisons des choses, démêler les petitesses d’un grand homme, l’envers des grandes phrases, les dessous d’une grande machination, lisez toujours, et commentez la Correspondance de Voltaire. Vous savez en effet le grand avantage qu’elle a sur tant d’autres correspondances célèbres. Les correspondans de Voltaire ne forment pas, comme les correspondans de Mme de Sévigné, par exemple, ou de Mme du Deffand, un petit cercle de