lettres de Voltaire avaient soulevé des chicanes. C’est ainsi que, pour éviter un procès, il avait fallu se contenter de donner, au lieu du texte, une simple analyse des lettres de Voltaire à Mme Quinault. Par où l’on voit que déjà, dans l’édition de Beuchot, avec les reliefs même de Beuchot, il était possible d’introduire de notables améliorations. Tout en la prenant pour modèle, il y avait lieu de la renouveler, tôt ou tard, comme on reconstruit un édifice, pierre par pierre, tout en en conservant le plan, les grandes lignes et l’aspect général.
C’est ce que M. Moland s’est proposé de faire. En rééditant les Œuvres de Voltaire, M. Moland avait jusqu’ici fidèlement suivi le texte de Beuchot. On serait en effet bien embarrassé d’en constituer un meilleur. Maintenant il arrive à la Correspondance. Ici le travail change de nature. Il s’agit de faire entrer et de fondre dans l’ancienne collection toutes les pièces reconquises depuis une quarantaine d’années.
Et si ces pièces sont nombreuses, on le sait ! Telle correspondance que Beuchot croyait perdue sans espoir s’est retrouvée presque tout entière : ainsi la correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Gotha. Et l’on peut aller jusqu’à dire que, depuis environ quarante ans, presque pas une correspondance du xviiie siècle n’a vu le jour qui ne contînt quelque lettre ou billet de Voltaire. Les éditeurs du roi de Prusse en ont retrouvé dans les archives de Berlin, comme les éditeurs de l’impératrice de Russie dans les archives de Saint-Pétersbourg, et jusqu’aux éditeurs d’une landgrave de Hesse dans les archives de Darmstadt. Il semble qu’il n’y ait qu’à plonger la main dans les papiers d’une archive allemande pour en retirer du Voltaire. Même fortune au surplus si c’est en France que l’on opère. On compulse les papiers du président de Brosses, et on y découvre du Voltaire, les papiers du président de Ruffey, et on y découvre du Voltaire. On publie la correspondance de Mme du Deffand avec la duchesse de Choiseul, encore du Voltaire, ou bien on raconte les souvenirs de la maréchale de Beauvau, encore, et toujours, et partout, du Voltaire. Quousque tandem ?.. Jusques à quand ne retrouvera-t-on pas du Voltaire ? Car toutes les lacunes ne sont pas encore comblées. « Il n’est pas possible en pareille matière, comme le dit M. Moland, de prétendre jamais être complet ; » et M. Moland a malheureusement raison. Rappelez-vous cette citation devenue presque banale : « Je n’irai pas plus loin, écrivait Voltaire à Formont, le 24 juillet 1734, car voilà, mon cher ami, la trentième lettre que j’écris aujourd’hui. » De ces trente lettres il nous en est parvenu jusqu’à deux ! On connaît, du moins, des lettres de Voltaire que jusqu’ici les détenteurs ont obstinément refusé de livrer à la publicité. Quelques rares privilégiés les ont vues, ils les ont touchées ; peut-être un jour nous sera-t-il donné de les lire : en attendant, nous avons la consolation de savoir qu’elles existent. Mais d’autres correspondances