insinue même quelque part encore que Falconet, en partant de Saint-Pétersbourg, lui en aurait enlevé plusieurs : cependant l’édition de Beuchot ne contient que quatre-vingt-cinq lettres du patriarche à l’impératrice. On voit qu’encore ici c’est, comme ailleurs, à désespérer de tout avoir.
Restait à contrôler le classement de la Correspondance. Voltaire ne datait ordinairement que du mois et du jour, il y a donc dans Beuchot plus d’une lettre encore mal datée. C’est ainsi qu’en feuilletant l’une et l’autre collection, tout récemment, nous avons rencontré par hasard une lettre de Voltaire datée, dans l’édition Beuchot comme dans l’édition Preuss, du mois de décembre 1738. Nous croyons qu’il conviendra de la reporter jusqu’au mois de décembre 1739. Elle commence en ces termes : « Monseigneur, il nous arrive… une écritoire que Mme du Châtelet et moi indigne, comptions avoir l’honneur de présenter à V. A. R. pour ses étrennes. Le ministre qui est prêt à vous prendre pour un bastion ou pour une contrescarpe vous offrirait une coulevrine ou un mortier… » Ces mots sont évidemment la réponse du poète à une plaisanterie de Frédéric sur le marquis de Valori, qui avait remplacé le marquis de la Chétardie comme ministre de France à Berlin. « Je vois, en ce marquis de Valori, disait le prince, un homme qui se croit sans cesse vis-à-vis de l’ennemi et à la tête de sa brigade. Je crains toujours qu’il ne me prenne pour une contrescarpe ou un ouvrage à cornes. » Cette lettre est datée du 4 décembre 1739, et puisque nous savons d’autre part que M. de Valori ne rejoignit son poste qu’en septembre 1739, elle est, selon toute vraisemblance, à quelques jours près, bien datée. Au surplus, les remerciemens de Frédéric pour cette écritoire sont eux-mêmes datés du 23 mars 1740 :
Vous m’envoyez une écritoire ;
Mais c’est le moins lorsqu’on écrit,
Pour mon plaisir et pour ma gloire
Il eût fallu, Voltaire, y joindre votre esprit.
Et ces remerciemens sont bien datés, puisqu’un peu plus bas, au-dessous de ce madrigal, on peut lire les lignes suivantes : « Si je change de condition, vous en serez instruits des premiers. » En effet, Frédéric-Guillaume souffrait déjà de la maladie dont il mourut dans la nuit du 31 mai au 1er juin 1740.
Au premier abord, ces rectifications légères, et ces améliorations de détail peuvent paraître assez insignifiantes. Elles ont leur importance pourtant, et cette importance est quelquefois considérable non-seulement pour l’histoire de Voltaire, mais pour l’histoire même du siècle,