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avatars de la galère, — n’ont porté que sur des détails insignifians. Voici, en effet, le tambouret, plate-forme presque à fleur d’eau qui précédait le taillemer et l’éperon; voici le joug de proue, sur lequel venait s’appuyer l’extrémité des apostis destinés à servir de support aux rames. Les baccalas qui soutiennent de distance en distance cette longue lisse sont également à leur place ; ils débordent des deux côtés le corps du navire. Remarquez enfin la rambade, château d’avant d’où les soldats repoussaient l’abordage; c’est sur la rambade que la victoire, en descendant du ciel, est venue s’abattre. Aucun détail ne manque ; le sculpteur n’a rien oublié de ce que le charpentier n’aurait point omis. Le joug se trouve assujetti par le subrejoug et par le sottefrein ; il ne bronchera pas; les courbes des bittes répondent de la solidité des pieds-droits de la rambade ; les cuisses du tambouret prolongent le trinquenin. Les anciens n’étaient point tenus de charpenter fortement leurs navires ; le jour où la galère dut porter des bombardes et plus tard, pour canons de coursie, des pièces de 48, il fallut songer à mettre la construction en mesure de résister aux secousses que chaque décharge allait lui imprimer. Il semble que l’architecture navale eût dû subir alors une métamorphose complète ; le type créé par Aminocles était si parfait, si bien approprié aux nécessités de la guerre, que nous le retrouvons sur les chantiers de Marseille en 1720, différant peu, dans ses lignes extérieures tout au moins, de ce que nous le montre, deux cent quatre-vingts ans avant Jésus-Christ, le piédestal de Samothrace.

Les érudits ont essayé, à diverses reprises, de recomposer dans son ensemble la trirème antique; ils ont surtout jouté de textes et de citations; mais nous, marins, qu’avons-nous à faire quand nous nous permettons de descendre à notre tour dans l’arène? Nous devons nous dire : Le problème à résoudre offre une analogie évidente avec ce grand mystère historique désigné dans les annales de la critique moderne sous le nom de « secret du masque de fer. » Ne convient-il pas dès lors d’emprunter à la nouvelle école les procédés dont nous la voyons user avec tant de succès et qui ont acquis en quelque sorte, dans cet ordre de recherches, force de loi? Commençons donc, suivant l’exemple qui nous est donné, par gratter le vieux badigeon ; des savans même, et des plus autorisés, nous viendront en aide. J’ai déjà cité l’opinion de M. Deslandes, opinion tout à fait opposée à l’idée de la superposition des rames : Vous plaît-il maintenant de savoir quel était, en 1782, le sentiment d’un illustre savant espagnol? «L’architecture navale, écrivait avec son incontestable compétence don Antonio de Capmany y de Monpalau, ne saurait s’accommoder de cette superposition. Il est toujours difficile d’interpréter exactement les expressions d’une