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l’italien ; quel est l’officier provençal qui ne soit en mesure d’aborder couramment la lecture du Tasse et de Dante ? Eh bien, engagez, soutenez avec les membres du jury une conversation. Le titre d’interprète que vous ambitionnez est à ce prix, et, sachez-le, si vous l’obtenez, le conseil d’amirauté ne laissera point d’y prêter quelque attention. Il vous saura plus de gré encore de lui offrir la connaissance de langues qui sont restées pour notre marine lettre close, de ces langues du Nord dont l’étude est devenue plus que jamais féconde, car partout on travaille et partout on publie des documens du plus haut intérêt. Seulement, je vous en préviens, il ne suffit pas de traduire, il faut aussi parler et parler couramment. Sans cela, des éloges, mais pas de brevet !

J’ai assisté de près au travail d’inspection du général autrichien qui commandait en 1858 à Raguse. Il est impossible de mettre plus d’application à l’appréciation des diverses aptitudes de chaque officier. Je ne fais pas un plan de reconstitution du corps ; je n’en aurais pas le droit et je n’en ai pas le goût. Je jette seulement à la volée les idées que le temps chez moi a mûries ; il n’en germerait que quelques-unes, — les meilleures, j’espère, — que je croirais encore n’avoir pas inutilement occupé mes loisirs.

Je pressens à merveille l’accueil peu chaleureux que la marine prépare à mes projets de flottille ; j’aurais tort de me faire sur ce point la moindre illusion. La marine n’a jamais cessé de nourrir l’appréhension secrète qu’on la voulût réduire à ne plus être que « le train des équipages maritimes. » Toutes ces opérations de débarquement la touchent peu ; cela ne regarde en somme que les soldats. Quel honneur, quel profit en pouvons-nous attendre ? Nous n’y gagnerions que la sécurité et le relèvement de la patrie, qu’en vérité je nous trouverais amplement récompensés. Mais que la marine se rassure ! Son rôle, si elle sait le comprendre, restera de beaucoup le plus considérable. C’est aux flottes de haut-bord qu’il appartient de réaliser ce que l’Angleterre seule s’est trouvée jusqu’ici en mesure d’accomplir : l’occupation de la mer. La flottille n’agira jamais qu’à l’abri de ce rempart. Quand on a trois frontières à garder et une puissance telle que la puissance britannique en face, on ne s’amuse pas à caresser des rêves de suprématie maritime. Nous ne devons pas cependant nous contenter d’une marine qu’on puisse se flatter d’enfermer, sans un immense déploiement de forces, dans ses ports. Notre alliance n’en sera que plus prisée quand on saura bien qu’elle n’est pas le timide aveu de notre faiblesse. Il est difficile de chiffrer les capacités, à peu pi es impossible de pressentir avant l’événement les caractères. Le capitaine Bouvet, tant qu’il ne fut que lieutenant de vaisseau, fit peu parler de lui ; sans l’amitié du général Decaën, gouverneur de l’île de France, il