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tail. Dans ces circonstances, il n’y avait qu’un moyen de sortir de l’impasse : c’était, — qu’on me passe l’expression, — de sauter à pieds joints dans le tas de ces législations contradictoires, brisant sans scrupule, pour s’y faire une place, ce qu’elles pouvaient avoir d’harmonique et de sage. C’est le parti auquel le pouvoir central a fini par se résoudre ; il a dicté son minimum d’unification judiciaire et, de cette manière un peu cavalière de légiférer il est résulté que, sous prétexte de simplification et de progrès, les nouvelles lois ont ajouté le bouleversement et la confusion à ce qui, pour être le chaos, était du moins localisé et avait pris, avec le temps et la pratique, une allure ordonnée et régulière. Il n’est pas une seule législation particulière qui se soit tirée indemne de cette violente intrusion ; il n’en est pas une non plus à laquelle puissent suffire les principes généraux que les lois d’empire se sont bornées à fixer à grands traits. Toutes ont été faussées ; aucune n’a pu être intégralement abrogée, et l’Allemagne conserve, comme devant, une vingtaine de codes de procédure. À chaque état de réparer chez lui les dégâts de son mieux, en accommodant aux principes nouveaux, auxquels il ne lui est pas permis de toucher, les débris pouvant encore servir dans sa législation propre.

En Alsace-Lorraine, cette tâche est échue à l’ancien Landesausschuss (ce fut son chant du cygne) et, c’est une justice à lui rendre, il ne s’est fait aucune illusion sur son peu d’aptitude à remanier ainsi, au pied levé, la grande œuvre, si harmonique et si coordonnée, des Tronchet, des Treilhard et des Portalis, pour réparer le moins mal possible la dévastation qu’y avaient opérée les exigences gothiques des nouvelles lois impériales. Que de morceaux il a fallu se résigner à sacrifier, dans cette œuvre de rapiécetage, afin de ne point multiplier outre mesure les contradictions et les antinomies qu’un travail aussi hâtif rendait presque inévitables ! Laissant à la jurisprudence le soin de se débrouiller peu à peu, aux dépens des plaideurs futurs, le Landesausschuss s’est borné, en soupirant de mélancoliques hélas ! à faire de larges trouées partout où la législation impériale entendait prendre pied. Une seule fois, il a résisté et poussé un énergique holà ! auquel n’ont pu qu’applaudir ceux qui voient de près les pratiques commerciales que l’immigration allemande essaie d’acclimater en Alsace-Lorraine. Il ne lui a pas paru possible d’accepter sans restriction ni réserve le principe nouveau d’après lequel les incapacités civiles et politiques attachées à l’état de failli ne doivent durer que jusqu’à la terminaison des opérations que la déclaration de faillite entraîne. Le Landesausschuss a exigé qu’en Alsace-Lorraine tout au moins la réintégration du failli dans ses droits et capacités de citoyen n’eût jamais lieu de plein droit,