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lemagne des relations d’affaires loyales et régulières. À l’époque où l’option pour la nationalité française enfiévrait Alsaciens et Lorrains, quelqu’un s’étonnait de l’ardeur que les israélites entre autres montraient à émigrer. « Ce n’est pas étonnant, répondit-on plaisamment ; s’ils quittent la partie, c’est qu’ils se sentent incapables de lutter, sachant bien qu’en affaires un Prussien vaut deux juifs. » Ai-je besoin de dire que ce joli mot, que l’événement a si vite justifié, n’a quoi que ce soit de blessant pour les israélites d’Alsace et de Lorraine ? Il y a longtemps que la pleine et franche émancipation dont la France les a fait jouir, et qui suffirait à expliquer leur reconnaissant attachement pour ce pays, leur avait permis de dépouiller les mauvais côtés de l’esprit retors qui est le propre des castes traitées en parias et que, dans l’Allemagne du Nord, où le milieu social est bien différent, chacun s’efforce d’imiter, sans distinction de croyance religieuse, parce qu’il a souvent conduit à la fortune. Seulement, n’ayant de l’israélite ni la souplesse, ni la sobriété, ni l’âpre économie, ni l’endurance sagace, ni l’esprit de solidarité, ni l’instinct du côté positif des choses, ni ce sens pratique qui a fait que la race d’Israël, tout en attendant avec ferveur son Messie, ne s’est pas crue dispensée pour cela d’être partout et toujours de son temps (ce qui suffirait à la distinguer de l’école historique allemande), l’Allemand, voulant faire comme les juifs, ne réussit qu’à faire le juif. Pour lui, le génie de la race sémitique, comme on dit au delà du Rhin, se résume dans le maquignonnage, et la législation elle-même semble conçue tout exprès pour favoriser dans cette voie la plus large concurrence. J’ai déjà fait voir à quel point les nouvelles lois judiciaires allemandes sont propices à la tribu des chats-fourrés et grippeminauds qui voudront exploiter les plaideurs. En matière économique, il n’y a pas exagération à dire, surtout quand on le considère au point de vue alsacien, que le régime qui se développe législativement depuis dix ans dans les limites de l’empire allemand ressemble beaucoup à celui du coulage organisé. Le plus clair des profits s’en va enrichir des légions d’inutiles intermédiaires, vivant commodément en parasites aux crochets du producteur, du consommateur ou de l’état, et souvent de tous trois à la fois. Ce que la seule loi monétaire de 1871 a déjà fait pour appauvrir et épuiser l’Allemagne est incalculable. L’état s’était cru fort habile en économisant quelques millions sur la frappe de l’or, sans songer qu’en créant ainsi une monnaie de mauvais aloi, que le marché universel n’accepterait qu’au poids, pour la refondre, les lois économiques se chargeraient de lui faire expier au centuple un profit si naïvement obtenu et qu’elles feraient lourdement peser sur le commerce allemand tout entier les vices d’un instrument