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dans Buckingham-street le comité de la Société pour la protection des anciens monumens; les correspondans étrangers ont été avisés; on a y voté la rédaction et l’envoi au ministre compétent du gouvernement italien, d’un mémoire qui réunirait le plus grand nombre possible de signatures. Au meeting de Buckingham-street a succédé celui d’Oxford, sous la présidence du Deam de Christ-church ; Manchester a suivi l’exemple; bientôt enfin, partout où les correspondans de la société avaient une certaine action, ils ont voulu montrer l’intérêt qu’on porte en Angleterre aux beaux monumens de l’Italie. Pendant ce temps, le mémoire, signé par lord Beaconsfield, M. Gladstone et un grand nombre de membres de la chambre des lords et de celle des communes, qui voulaient appuyer de leur autorité les écrivains, les artistes et les amateurs d’art des trois royaumes unis, arrivait à Rome à son adresse, et déterminait bientôt une explication officielle, transmise par la voie hiérarchique, à l’ambassadeur de sa majesté le roi d’Italie. Il restait désormais à donner aux Italiens eux-mêmes des explications sur cet échange de notes provoqué par la discussion au sein des meetings un ami du gouvernement devait, en l’interpellant publiquement au parlement, donner au ministre des affaires étrangères l’occasion d’éclairer le pays.

L’intervention anglaise, naturellement pacifique, prouvait certainement un grand enthousiasme pour les monumens de cette terre classique des arts; mais ceux qui ont suivi avec attention la polémique reconnaîtront qu’elle pouvait avoir ses dangers. Le mot de vandalisme, imprudemment prononcé, amenait des représailles, on citait des paraboles de l’Évangile où il est question de poutres et de paille ; aux mots de « sens esthétique, » on répondait depuis les Alpes jusqu’à l’Adriatique par les mots de « sens national, » et les satiriques de Rome ne se sont pas fait faute d’en arriver aux personnalités. Les Anglais cependant proclamaient ce principe que la basilique appartient au monde entier, et ne se laissaient point entraîner dans la discussion; mais il est évident que le principe même de cette intervention pouvait avoir de réels inconvéniens au point de vue politique.

Au fond, de quoi s’agissait-il? Dans quelle mesure les craintes exprimées par les signataires du manifeste étaient-elles justifiées? Allait-on vraiment reprendre toute la façade principale de la basilique? Et si on la reprenait d’après les principes qui avaient présidé à la restauration des deux façades latérales, était-on vraiment autorisé à dire avec John Ruskin, le célèbre écrivain des Stones of Venice, dans sa préface à la brochure du comte Zorzi : « Ce n’est plus que la larve, ou plutôt le cadavre de ce que j’ai tant aimé? »

Nous venons de nous livrer dans la basilique même à un examen