Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1880 - tome 38.djvu/850

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’ensemble étaient alors dorés ; ils ne le sont plus aujourd’hui, et l’effet est évidemment moins splendide.

Est-ce à dire que depuis les dernières années du XVe siècle, cette partie de l’édifice n’ait subi aucune autre altération notable, et les Vénitiens du XVIe du XVIIe et du XVIIIe siècles, n’auraient-ils pas eu le droit, avant l’agitation d’aujourd’hui, de rappeler les architectes et la fabrique au respect des monumens qui sont la gloire d’un pays dont on n’a pas le droit de mutiler l’histoire ? Non certes. Le XIVe siècle avait vu, non pas une restauration, mais une transformation complète de l’édifice, et il est plus que probable, quoique ni les archives de Venise ni les chroniques n’en fournissent la preuve absolue, qu’elle fut accomplie par Filippo Calendario, cet architecte de génie, criminel sublime, le complice de Marino Faliero, qui fut pendu à la baie principale du palais ducal, son œuvre superbe. Le Calendario[1] avait respecté, dans les tympans des cinq arcs inférieurs et ceux des quatre arcs supérieurs, les mosaïques des artistes primitifs, et nous les voyons encore, en 1496, dans le tableau de Bellini. Dès 1660, il n’en existe plus qu’une seule, contemporaine ou à peu près de la façade du XIIIe siècle ; c’est celle qui orne l’arc inférieur de l’angle au nord vers San Basso, elle est heureusement la plus précieuse de toutes, car elle nous montre cette même façade de Saint-Marc telle qu’elle existait vers 1220, déjà ornée des quatre chevaux de bronze dorés de l’arc de Néron, envoyés de Constantinople à Venise par Marino Zen en 1205.

En 1660, Pietro Vecchia substitue aux mosaïques anciennes, dans les deux premiers arcs à droite du spectateur, ses deux compositions : le Transport du corps de saint Marc et le Débarquement du corps. Les derniers vestiges de celle au centre, la plus importante de toutes, ne disparaissent qu’en 1836 pour faire place à l’œuvre médiocre de Lattanzio Querena : l’Adoration du Christ. Sebastiano Ricci, en 1728, avait remplacé celle à gauche du grand portail par son éclatante décoration : les Magistrats de Venise adorant le corps de saint Marc, et la dernière est celle qui nous est restée du XIIIe siècle. Les mosaïques des arcs supérieurs n’ont pas été mieux respectées : en effet, les quatre supérieures sont du XVIIe siècle et les cartons sont signés par Maffeo Verona ; la première à droite des chevaux, la Résurrection, malgré sa date relativement récente, n’offre plus qu’une image vague et décolorée, tandis que celle de Ricci, par exemple, abritée il est vrai sous le

  1. Cette opinion n’est pas encore professée par les écrivains spéciaux, mais il me semble que la signature du Calendario se lit dans ces beaux feuillages qui rampent sur les arcs aigus enveloppant les cintres.